Et revoilà Vincent Duluc, l’homme qui peut vous faire lire un bouquin sur le foot même si ce sport vous exaspère. Après Le cinquième Beatles, Duluc se penche sur son adolescence, ses treize ans à Bourg-en-Bresse, racontant ses souvenirs entre nostalgie et autodérision. C’est peu dire qu’il s’y emmerdait grave au fond de sa province, lui le fils de prof à la scolarité médiocre qui préférait jouer dans les buts que dormir en classe. Il tentait pourtant de s’occuper, courant en vain derrière les filles. Au point qu’il était prêt à écouter en leur compagnie du Gérard Lenormand, alors qu’il était un fan de Neil Young. Heureusement, il y avait Les Verts. Pas Cécile Duflot ni Jean-Vincent Placé, parce que personne n’aurait idée de chanter à leur sujet « Qui c’est les plus forts évidemment c’est les Verts ». Non, la passion du jeune Duluc allait à la quintessence du foot français, au club qui le faisait d’autant plus rêver que c’était celui de la ville de son père : Saint-Étienne. Sainté, la forteresse ouvrière, la ville noircie par la houille. Même si en cette année 1976, les mineurs étaient de moins en moins nombreux à se serrer dans la cage qui les descendait au fond du puits. Si vite que les plus jeunes ne pouvaient contrôler leur estomac. Tous ne remontaient pas, car les accidents n’étaient pas si rares. Et survivre au fond ne les garantissait pas davantage de faire de vieux os, cernés qu’ils étaient par la silicose. Cette saloperie qui vous bouffait les poumons. Les plus chanceux prenaient leur retraite avant soixante ans. Les autres bénéficiaient au moins du logement gratuit. Le second symbole du Saint-Étienne ouvrier, c’était Manufrance, la boîte qui vendait à la France entière de quoi bricoler. Mais comme les mines, La Manu était proche de la fin, à deux doigts de la faillite, alors qu’un des aïeux de Duluc y avait travaillé comme testeur de vélo. Passer son temps le cul sur une selle tout en étant payé, on peut difficilement faire mieux. En 1976, Duluc allait s’enflammer devant l’épopée des Verts en fréquentant les gradins de Geoffroy-Guichard. Du nom d’un des héritiers de la famille Casino qui avait donné son nom au stade de Sainté. Duluc s’était donc posté derrière le grillage lors d’un mémorable Saint-Étienne – Kiev, quart de finale retour de la Coupe d’Europe. Ça gueulait, ça hurlait à peine les Ukrainiens entrés sur la pelouse histoire de porter les Stéphanois vers l’exploit. Ce qui avait fait rugir de dépit le journaliste de l’Huma. Mais de l’internationaliste prolétarien, les ouvriers de Sainté s’en foutaient pourvu que leurs joueurs gagnent. Duluc dresse aussi le portrait de quelques-uns des acteurs verts. Roger Rocher, le président du club. Héritier d’une entreprise du bâtiment, qui avait aussi passé dix ans à la mine. Dominique Rocheteau, l’ange vert, apparu à vingt ans dans l’équipe et aussitôt indispensable. Rocheteau électrisait les filles et recevait des boucles de cheveux scotchées sur du papier. Rocheteau si différent qu’il se fit construire un chalet en bois sur les hauteurs de la ville histoire de mieux écouter le rock qu’il aimait. Dis Vincent, tu nous écriras la suite ?