Un bouquin, noir, très noir. Implacable. Pas vraiment un policier comme nous le dit l’éditeur. Ou alors un polar rural comme chez Jim Thompson. Franck Bouysse abandonne pour une fois sa Corrèze visitée dans Plateau (Surbooké 16). Nous sommes en Lozère au-dessus du Pont-de-Monvert. Une terre rude qui ne nourrit pas son homme, le pays des Parpaillots. Gus et Abel sont deux vieux fermiers installés au-dessus du bourg. Gus a la cinquantaine, Abel son voisin probablement vingt ans de plus. Ils vivent seuls en compagnie de leurs vaches. Gus a aussi son chien Mars, ainsi nommé parce qu’il l’a trouvé un mois de mars. La dureté de la vie pousse parfois Gus et Abel à s’entraider voire à vider une bouteille ensemble. Mais cela reste l’exception. Chacun chez soi et les vaches seront bien gardées. Gus a eu une existence particulièrement rude. Orphelin, suite à la mort de son père transpercé à coups de fourche par sa mère qui n’en pouvait plus d’être saillie. Elle l’avait payé d’un long séjour en prison, car à cette époque une femme devait se donner à son mari. Elle ne s’en était pas remise puisqu’elle se suicida à peine libérée devant le jeune Gus qui ne la regretta pas. Dans sa ferme, Gus a une existence bien réglée, qui ne laisse aucune place aux contacts. Ni avec le représentant de la banque qui voudrait lui ouvrir un compte. Encore moins avec les Évangélistes, ces suceurs de Bible qui le démarchent en vain. Pourtant cette journée ne sera pas comme les autres. L’abbé Pierre vient de mourir, or Gus le solitaire aime bien l’abbé Pierre. Si cela ne suffisait pas, Abel semble cacher des choses à Gus. Et puis il y a ces coups de feu entendus à proximité de la ferme et ces traces de sang dans la neige. Comme chez Thompson, l’histoire ne peut que mal se terminer. On le sait mais ce qui compte c’est la manière dont elle est racontée. Et Franck Bouysse est un grand écrivain.