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Le blog de Laurent Bisault

Un pays à l’aube, Dennis Lehane, Éditions Rivages

Jan 1, 2020 #Rivages

Il faut parfois patienter pour savourer un bouquin. C’est un peu le cas du livre de Dennis Lehane dont les premières pages peuvent sembler inintéressantes, sauf à se passionner pour le baseball. Dans le cas contraire, inutile de s’en offenser, il en reste bien assez de pages, 850 au total, qui ne manqueront pas de vous convaincre que ce roman est celui d’un grand écrivain. Roman noir comme le laisse penser la collection où il est publié ou roman historique de par sa capacité à vous faire découvrir ce qui s’est passé à Boston juste après la première guerre mondiale ? Peu importe. C’est d’abord le portrait d’une ville, Boston, en 1918 et 1919, quand la capitale du Massachusetts n’était pas encore le creuset de la bourgeoisie libérale que symbolisèrent 50 années plus tard les Kennedy, Harvard ou le MIT. Car à la sortie de la Première guerre mondiale Boston était encore une ville ouvrière, traversée par des luttes communautaires, les Irlandais faisant régner l’ordre aux dépens des immigrants pouilleux qu’ils fussent Italiens, Russes, Juifs ou Lettons. Quant aux Noirs, ils étaient au mieux des Moricauds et le plus souvent des Nègres. Fin 1918 l’avenir devrait s’annoncer riant avec le retour des combattants, mais c’est tout le contraire qui va se passer. Car les Boys ramènent avec eux une mystérieuse maladie qui sera rapidement qualifiée de grippe espagnole. Une saloperie, que la mise à l’écart des premiers contaminés n’arrêtera pas. Elle fera au total plus de morts dans le monde que la guerre 14-18, dont probablement 500 000 aux États-Unis. C’est lors de l’arrivée des premiers malades que nous découvrons le principal personnage du livre. Danny Coughlin est policier de base mais également le fils de Thomas Coughlin, le légendaire capitaine irlandais de la police de Boston. Autrement plus compliqué que la rencontre des malades fut la mission confiée à Danny. Il s’agit pour lui d’infiltrer les milieux syndicaux et anarchistes de la ville. Un ensemble hétéroclite, qui comprend aussi bien des poseurs de bombes que de simples ouvriers tentant de faire valoir leurs droits. Ça n’empêchera pas Danny de créer un syndicat de policiers, dont les salaires gelés pendant la guerre, sont désormais dévorés par une inflation galopante. Le second personnage du roman est Luther Laurence, un jeune Noir en provenance de l’Oklahoma, qui s’est réfugié à Boston. On pourrait y ajouter Babe Ruth, qui fut dans la vraie vie un des plus grands champions de baseball. Voire même pour quelques courtes scènes Edgar Hoover, bien avant qu’il ne devienne le premier directeur du FBI. Le livre de Lehane est une saga de la famille Coughlin, Danny, son père, ses deux frères ainsi que Nora l’Irlandaise que Thomas Coughlin a introduite dans son foyer. C’est aussi un reportage sur l’Amérique d’après-guerre, quand la société craquait de partout, submergée par des vagues de grèves de Seattle à Montréal. Des grèves que les patrons comme les dirigeants de la ville pensent pouvoir arrêter à coup de licenciements et de gros bras, A tort pour notre plus grand plaisir.

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