À Téhéran il y a les quartiers nord et ceux du sud. Au nord la ville se rapproche des montagnes et l’air y est presque pur. C’est ici que résident les habitants aisés. Au sud, on côtoie le désert et son climat de steppe. Les plus déshérités y vivent avec on l’imagine des vents dominants du nord qui éloignent au loin les pires odeurs. Aria naît en 1953 dans les quartiers sud, mais par les hasards de l’existence elle va aussi habiter au nord. En nous narrant son histoire entre 1953 et 1981, Nazanine Hozar nous fait découvrir la capitale des Perses de l’époque de Mohammad Reza Chah Pahlavi à l’avènement de l’ayatollah Khomeini. Elle était mal partie Aria quand Behrouz la découvre au milieu d’un tas d’ordures âgée de quelques jours. Un vrai miracle que les chiens errants ne l’aient pas mangée. Behrouz, camionneur dans l’armée la ramène à sa femme Zahra avec qui il ne s’entend pas. Il est vrai qu’ils forment un couple atypique, Zahra 36 ans et Behrouz une vingtaine d’années, soit pas davantage que le fils de son épouse. Elle lui crie dessus, ils se croisent à peine dans le lit conjugal. Alors Zahra refuse de s’occuper de cette petite fille aux yeux bleus, ce qui on le sait, porte malheur. C’est donc Behrouz qui la baptise, Aria comme les arias qu’il chantait quand il était petit. La vie de l’enfant est pénible, d’autant que son « père » est rarement là et que Zahra est du genre à la laisser sur le balcon pour avoir la paix. Aria est finalement récupérée par l’héritière d’une riche famille, Fereshteh Fferdowsi, une veuve qui trouve ainsi un moyen de remplacer l’enfant qu’elle a perdu il y a bien longtemps. Aria migre donc du sud au nord et change de milieu social. Elle qui fréquentait le bazar, ses petits commerçants et ses odeurs de brochettes de foie, côtoie désormais des jeunes gens au sein du lycée Français. Un établissement que fréquentent les enfants de la famille royale et de ceux qui la servent. Le père de son amie Mitra est au contraire un opposant communiste, ce qui lui vaut d’être poursuivi par la police politique la Savak, dont les méthodes n’ont rien à envier à celles du bloc soviétique.
Nazanine Hozar décrit une société taraudée par la religion qui pousse les habitants à arabiser leur nom
Nazanine Hozar nous montre un pays à plusieurs vitesses dont la stabilité repose sur la police politique. Une cocotte minute qui ne peut qu’exploser tant les inégalités sont grandes, parce que la famille royale et ses affidés préemptent une bonne partie des richesses pétrolières. D’un côté des élites occidentalisées dont les enfants, garçons et filles, vont à l’université. Et qui à l’image d’Aria n’hésitent pas à enlever leur soutien-gorge pour danser sur du disco en buvant de la vodka, et à écouter Led Zepplin à la radio. De l’autre des ouvriers du bâtiment et des petits commerçants du bazar qui peinent à survivre. Des enfants qui ne vont pas à l’école. Nazanine Hozar décrit une société taraudée par la religion qui pousse les habitants à arabiser leur nom. Ce qui n’empêche pas certains de rester fidèles, tels des Marranes au zoroastrisme, la religion ancestrale des Iraniens. La fin on la connaît, celui qu’on appelle l’Indien parce que sa famille venait du Pendjab, allait tout balayer en revenant de son exil de Neauphle-Le-Château. Il allait imposer de nouvelles normes aux femmes. Le port du voile qui était loin d’être généralisé dans le pays, même si Reza Chah Pahlavi l’avait à nouveau autorisé après que son père l’avait interdit. Et des tailleurs de trois couleurs, noir, bleu marine et marron, qui couvrent les chevilles. Emportée dans ce cataclysme coranique, Aria va aussi connaître la vérité sur son origine.