Surbooké

Le blog de Laurent Bisault

Tu t’appelais Maria Schneider, Vanessa Schneider, Éditions Grasset

Jan 2, 2019 #Grasset

Elle ne s’est jamais remise de ce de qui aurait dû lancer sa carrière. Certes le Dernier Tango à Paris la fit connaître au monde entier, mais à quel prix ? Vanessa Schneider nous raconte la vie de sa cousine âgée de 17 ans de plus qu’elle, qu’elle croisa néanmoins sans bien la comprendre. Ce livre est aussi celui d’une famille qui sortait de l’ordinaire et pas uniquement à cause de Maria. Mais avant de devenir actrice, bien des failles étaient apparues dans la vie de Maria. C’est une fille du bon docteur Ogino dont la méthode fonctionnait quand elle le voulait bien. Maria n’avait été désirée ni par son père, le comédien Daniel Gélin qui ne la reconnut pas et ne s’en préoccupa pas davantage. Ni par sa mère Marie-Christine qui accoucha à 15 ans avant de la confier pendant deux années, parce qu’elle était trop difficile à élever. L’a-t-elle récupérée, qu’elle use de méthodes éducatives pour le moins contestables. On raconte qu’étant au lit avec un homme, elle ordonne à sa fille de 10 ans de lui amener son diaphragme. À 14 ans Marie-Christine se moque de Maria qui manque de courage puisqu’elle ne couche pas avec son amoureux. À 16 ans, Marie-Christine la met à la porte. Elle aurait surpris Maria au lit avec son beau-père. Maria vient habiter chez les parents de Vanessa. Lui milite chez les Maoïstes, rêve de révolution et se déclare prêt à prendre les armes. Elle travaille comme libraire chez Maspero, un symbole de Mai 1968. Ils se sont pourtant mariés à l’église de Saint-Germain-des-Prés. Quand le couple a besoin de récupérer la chambre pour Vanessa, Maria s’en va. Brigitte Bardot l’accueille et lui restera fidèle toute sa vie. En 1972, Bernardo Bertolucci recherche une actrice pour son prochain film : Le Dernier Tango à Paris. Maria n’est pas son premier choix. Ce film est d’abord celui qui va permettre de faire tourner Marlon Brando. Après le refus de Dominique Sanda, il propose le rôle à Maria, surtout réputée pour son activité dans les nuits parisiennes. Elle a 19 ans, elle est mineure et sa mère lui signe une dérogation. Jouer avec Brando, ça ne se refuse pas. C’est du moins ce que lui dit son agent. Bertolucci ne dépense pas beaucoup d’argent pour les costumes de Maria. Elle est à poil pendant une bonne partie du film. À poil avec un homme qui a trente ans de plus qu’elle et qu’on ne voit jamais nu. Brando ne voulait pas. Survient la scène conçue pour doper la renommée du film. La scène du beurre. La sodomie est simulée mais elle n’était pas dans le script. Bertolucci et Brando l’ont imaginée sans lui en parler. Maria se retrouve plaquée par un homme qui doit faire deux fois son poids et le vit comme un viol. Elle restera ad vitam æternam l’actrice du Tango. Au restaurant c’est un serveur qui lui propose une motte de beurre. Dans l’avion, une hôtesse fait de même. À 21 ans, Maria tourne Profession : reporter sous la direction d’Antonioni. C’est un des rares films où on ne lui demande pas de mettre en avant sa sculpturale poitrine. Ensuite Maria disparaît. Elle prétend être libre, adorer les hommes comme les femmes. La preuve : elle a fait l’amour avec Dylan dans l’avion. On a dû les séparer, les passagers se plaignaient. Mais quand la famille de Vanessa Schneider la récupère, elle est camée jusqu’à l’os. Elle séjourne à Saint-Anne en crise de démence ou de manque. Elle en sort et séjourne de temps en temps dans la famille de Vanessa. Ils habitent désormais dans un HLM de XIIIe arrondissement. Presque celui de Renaud, puisque son frère David Séchan y réside. Le père de Vanessa rêve toujours de révolution. Haut fonctionnaire, il est aussi psychanalyste, écrivain, musicologue. Sa mère ne travaille plus depuis la naissance de ses enfants. L’appart est un résumé de toutes les luttes. Un entrepôt pour les montres Lip, un lieu de stockage pour des madeleines. Les vêtements de Vanessa sont un hommage à tous ces révolutionnaires : bonnet péruvien, pull tricoté main et sabots. C’est bien les sabots sauf pour courir dans la cour de récréation. L’été les Schneider retrouvent des amis dans un village cévenol où ils réinventent la vie en commun. Ils sont végétaliens et la tarte aux blettes montre rapidement ses limites. En 1980, Maria joue avec Miou-Miou dans La Dérobade. Gros succès populaire pour ce film où les deux femmes sont des putes. Ce sera le dernier. Après elle refuse de se déshabiller. En 1981, la victoire de Mitterrand émerveille les Schneider. Vanessa va devenir journaliste à Libération, le journal de sa famille. Maria part de plus en plus souvent en Californie. Elle y vit avec son amie A qui lui sera fidèle jusqu’à sa mort. Elle y a quelques années plus tôt rencontré Patti Smith qui lui a consacré une chanson. Maria meurt à 58 ans à Paris d’un cancer. Peu avant elle tient à rencontrer son père puis sa mère comme si on pouvait réécrire l’histoire. Mais il est trop tard. Brigitte Bardot prend à sa charge ses obsèques.

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