C’est rude, fort, violent. Mais aussi enthousiasmant et plaisant à lire. Rude parce que la place des femmes chez les Peuls du Nord-Cameroun est tout sauf enviable. Enthousiasmant car le message que fait passer Djaïli Amadou Amal laisse entrevoir des améliorations, au moins pour les plus jeunes qui ont été éduquées. Et plaisant à lire parce qu’on déguste ce texte avec avidité et admiration. Certains pourront être déçus de ce que Les impatientes n’ait pas été couronné du Goncourt alors que le livre figurait parmi les quatre derniers nominés. Mais il a eu celui des lycéens et c’est bien à eux que Djaïli Amadou Amal s’adresse en premier. Aux lycéens, aux jeunes, et à ses filles pour qui elle espère des jours meilleurs. Le livre était titré Munyal dans sa première version sortie à Yaoundé en 2017. Ce qui signifie patience. La patience c’est ce qu’on demande aux femmes de tout âge au Cameroun. Patienter et tout accepter car tel est leur destin. Dans ce roman largement autobiographique Djaïli Amadou Amal, qui a subi à dix-sept ans un mariage forcé, raconte l’histoire de trois femmes. Ramla mariée au même âge à un homme de cinquante ans, Hindou sa demi-sœur adolescente que l’on force à épouser un jeune homme alcoolique et violent, et Safira la première épouse du mari de Ramla. Elles vivent toutes dans un milieu aisé et sont rattachées à une concession constituée autour du chef de famille dont le premier but est d’amener ses filles vierges au mariage. Comme chaque mâle est encouragé à avoir plusieurs femmes, avec les enfants cela finit par faire du monde. Mariée de force, Ramla est vouée au même destin que sa mère, mais elle s’en distingue car elle suit des études. Elle aspire même à devenir pharmacienne, un projet qu’elle compte mener à terme avec Aminou lui-même étudiant, avec qui elle partage un amour platonique.

Elles n’ont rien à dire, on leur explique leurs devoirs et jamais leurs droits

Mais il en va de Ramla comme de Hindou et de toutes les autres femmes. Elles n’ont rien à dire, on leur explique leurs devoirs et jamais leurs droits. Alors elles se plient à la règle et subissent les coups ainsi que le viol conjugal qui fait furieusement penser à ce que dit Balzac dans la biographie que lui a consacrée Titiou Lecocq : « Ne commencez jamais le mariage par un viol. Le sort du ménage dépend de la première nuit ». Au Nord-Cameroun on ne s’en soucie guère. Les jeunes femmes sont en plus soumises au chantage : toute révolte se retournera contre leur mère qui sera punie voire répudiée pour ne pas avoir élevé correctement ses filles. L’arrivée d’une nouvelle épouse génère aussi des conflits avec les autres femmes du mari, qui tentent de préserver leur situation. Alors place à une longue série d’humiliations. Les marabouts et leurs potions secrètes n’y changent rien. Sauf celui qui recommande à Safira de lui ramener trois brins de moustaches d’un lion afin qu’il puisse lui confectionner une amulette. Une fois cette épreuve passée, il lui explique comment l’utiliser. Apprivoise ton mari comme tu l’as fait avec le lion et il sera à toi. On vous l’avait dit, il y a encore de l’espoir.