Lise ne voulait pas en démordre. Elle voulait passer ses vacances dans ce coin perdu du Lot, dans cette maison trouvée sur le Net. Une location dont le propriétaire garantissait le calme, perdue qu’elle était au sommet des collines, sans un voisin à moins de 10 kilomètres. Argument supplémentaire pour Lise, il n’y avait ni wi-fi ni réseau téléphonique. Or ce dernier point était insupportable pour Frank. Passe encore de sacrifier son mois de vacances puisse qu’il était habitué à le prendre à la mer ou au moins entouré d’amis. Mais un mois sans téléphone, ce n’était juste pas imaginable. Lise finit par le convaincre, mais Frank n’en pensait pas moins. Il profiterait de la première occasion pour remonter à Paris histoire de suivre ses affaires de producteur de cinéma, d’autant que ses nouveaux associés n’avaient pas l’air net. Il fallut louer un 4 x 4, l’annonce le précisait. Impossible autrement de se hisser au sommet du mont d’Orcières, situé à quelques dizaines de kilomètres de Limogne, à l’est du département. La grosse Audi, 300 chevaux sous le capot, n’était pas de trop pour ce chemin incliné à 45 degrés, même si elle était trop large pour la sente. Ainsi commence le troisième roman de Serge Joncour chroniqué dans ces colonnes après Repose-toi sur moi et L’écrivain national. Assurément le meilleur ce qui n’est pas rien. Joncour nous livre deux histoires parallèles, qui se déroulent au même endroit, à deux époques différentes. En 2017 avec Lise et Frank, et en juillet 1914 quand débute la Première Guerre mondiale. Les hommes sont raflés pour aller tuer du Boche très loin au nord. Or un Boche, il venait d’en arriver un à Orcières, Wolfgang Hollzenmaier, dompteur de lions et de tigres de son état. Mais dompteur au chômage car les cirques ne fonctionnent pas en temps de guerre. Alors Wolfgang propose d’installer fauves et cages au sommet du mont contre une rétribution au profit du village. Et surtout d’acheter des moutons pour nourrir ses bêtes. Une opportunité que le maire ne refuse pas sachant que les militaires n’ont pas pris que les hommes. Ils ont aussi emmené les chevaux et les bœufs sauf les plus vieilles carnes, ce qui contraint les villageoisesà labourer à la force des mains, en plus de s’occuper des enfants et des anciens. Les rendements s’en ressentent ce qui fait qu’il n’y a plus grand-chose à vendre à la fin de la saison. Alors si le Boche accepte d’acheter les brebis que les villageois ont planquées loin de leurs habitations c’est toujours ça de gagné. Même si c’est au prix de hurlements de fauves qui altèrent leurs nuits. Le roman est construit en alternant les deux époques. Dans une atmosphère inquiétante aussi bien en 1914 qu’en 2017, car personne ne vit plus depuis longtemps au sommet du mont. Parce que la terre y est devenue stérile depuis que les villageois ont tenté de sauver leurs vignes du phylloxéra, mais aussi parce des bêtes rôdent dans les bois. Tous les chasseurs vous le diront. Un coup à vous retrouver en face de loups, de lynx ou d’autres animaux que vous ne manquerez pas d’entendre hurler la nuit.