Surbooké

Le blog de Laurent Bisault

Le cœur de l’Angleterre, Jonanthan Coe, Éditions Gallimard

Nov 5, 2019 #Gallimard

« Comment en est-on arrivé là ? ». C’est la question posée sur la quatrième de couverture du bouquin de Jonathan Coe. Une question qui fait référence au Brexit qui n’a pas fini de bouleverser une grande partie des habitants de la perfide Albion, au point de fracturer le pays. Les vieux contre les jeunes, les ruraux contre les citadins, les ouvriers contre les diplômés voire même les familles elles-mêmes. Faut-il le préciser, Coe comme la majeure partie de ceux qui sont censés composer l’élite du pays, a opté pour le Remain. Il ne s’agit pas pour autant pour lui de remettre en question le vote, mais plutôt de continuer sa réflexion entamée il y a bien des années sur la société anglaise dans Bienvenue au club et Le cercle fermé. Dans son nouveau roman Jonathan convoque donc les personnages qui avaient animé les deux premières parties de sa trilogie. Benjamin Trotter a dépassé les cinquante ans, enfin terminé son livre, et profite du moulin qu’il vient d’acheter. Doug Anderton est toujours journaliste tendance travailliste, restant ainsi fidèle à l’engagement syndical qui fut celui de son père. Ce qui ne l’empêche pas de résider à Chelsea dans la maison de sa richissime épouse. Retrouver ces personnages, dont on pensait que l’histoire s’était arrêtée avec Le cercle fermé c’est comme retrouver par hasard de vieux copains. On ne peut passer à côté d’une telle opportunité. Alors on en profite et on se régale de leurs nouvelles aventures, à commencer par celles de Sophie, la nièce de Benjamin, sans doute le personnage principal du roman. Sophie qui commence sa vie professionnelle dans l’enseignement supérieur, un métier qui semble encore plus mal rémunéré en Angleterre qu’en France. Le bouquin débute par la mort de la mère de Benjamin, ce qui nous vaut une revue de famille. Le personnage du jour c’est Colin, le père de Benjamin qui va se montrer page après page plus bougon, regrettant la disparition des usines, lui l’ancien cadre de British Leyland. Comment pourrait-il comprendre que les Anglais doivent désormais choisir entre des voitures allemandes, françaises ou japonaises ? L’événement important arrive avec les émeutes de Londres en 2011, déclenchées par la mort d’un Antillais abattu par la police. Beaucoup d’Anglais en resteront marqués et dériveront vers un rejet des étrangers. L’histoire du pays n’est pas pour autant rectiligne car les Britanniques connaîtront un grand moment de fierté lors des jeux de Londres. La cérémonie d’ouverture leur permettant de mettre en avant une de leur grande richesse : le rock anglais si cher à Coe. Cela n’aura qu’un temps. Entre lâcheté de la classe politique, démagogie d’une presse peu ragoûtante, la catastrophe se prépare. N’allez pas croire que ce livre est un traité de sciences politiques. C’est avant tout le roman d’un grand écrivain, une histoire douce-amère où les couples se font et se défont. De grands moments d’humour comme quand cette vieille Anglaise refuse de quitter son bateau de croisière après la mort de son mari parce qu’elle a payé l’intégralité de son billet.

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