Surbooké

Le blog de Laurent Bisault

Idiss, Robert Badinter, Éditions Fayard

Déc 1, 2018 #Fayard

Certains attendaient ses mémoires. Robert Badinter prétend qu’il a juste raconté l’histoire de sa grand-mère maternelle. Mais c’est aussi le début de sa vie auquel est consacré cet ouvrage, même s’il est centré sur Idiss née en Bessarabie à la fin du XIXe siècle. La Bessarabie, ce territoire que se sont disputés de nombreux pays au cours du temps, qui était alors possession de l’Empire tsariste, avant d’appartenir aujourd’hui à la Moldavie. L’histoire d’Idiss est celle d’un monde disparu, le Yiddishland avec ses shtetels, ces villages peuplés de Juifs. Et rien que pour cela il faudrait lire ce livre. Son histoire est celle d’une famille contrainte de fuir les pogroms et qui voyait la France comme une terre d’espoir puisque c’était la patrie de Victor Hugo et mieux encore un pays dont une partie des habitants avaient pris le parti d’un capitaine juif contre le pouvoir militaire. De cela Idiss n’en savait rien car le rôle d’une femme dans son village était de faire vivre son foyer et surtout pas d’aller à l’école. Idiss était donc illettrée ce qui ne se remarquait pas en Bessarabie, mais qui constitua un réel handicap quand elle vint vivre à Paris. Cela la priva du grand plaisir de voir ses petits-fils briller à l’école. Mais avant de se retrouver Gare de l’Est, Idiss eut une vie bien remplie notamment parce que Schulim son mari avait passé cinq ans dans l’armée du Tsar, laissant leurs deux fils à sa charge. De simple brodeuse, Idiss passa ponctuellement à l’état de trafiquante de tabac pour ramener au foyer de quoi nourrir ses enfants. Schulim revenu, Idiss dut aussi faire avec ses dettes de jeu.

Les noces de Charlotte et de Simon ramenèrent de la joie au foyer

Ce sont leurs deux fils Avroum et Naftoul qui partirent les premiers à Paris où ils récupéraient de vieux vêtements pour les faire réparer avant de les remettre en vente. Un destin bien classique pour les « Yids », les immigrants qui parlaient yiddish. Ce prolétariat travaillait pour les commerçants et artisans juifs qui constituaient le deuxième niveau de la communauté. Au-dessus on trouvait des professions libérales férues de diplômes. Et tout en haut de la pyramide figuraient quelques financiers comme les Rothschild ou des industriels comme André Citroën. Schulim suivit ses fils puis arriva Idiss avec leur fille Chifra dont le nom fut rapidement transformé en Charlotte. Contrairement à sa mère Charlotte bénéficia d’une vraie scolarité, son instituteur M. Martin ayant décidé de transformer des enfants venus d’ailleurs en petits Français comme les autres. Premier diplôme français de la famille, le certificat d’études de Charlotte fut fêté en conséquence. La mort de Schulim intervint peu après la fin de la Première guerre mondiale, d’un cancer qui l’envoya rapidement au cimetière de Bagneux. Les noces de Charlotte et de Simon ramenèrent de la joie au foyer. Simon né en Bessarabie, avait fait des études supérieures à Moscou, profitant du maigre quota concédé aux Juifs. Mais son avenir professionnel passa en France par la fourrure au travers de la société qu’il créa. Simon et Charlotte eurent deux fils, Claude puis Robert qui grandirent dans le XVIe arrondissement, symbole de la réussite de leurs parents. La religion était peu présente Certains attendaient ses mémoires. Robert Badinter prétend qu’il a juste raconté l’histoire de sa grand-mère maternelle. Mais c’est aussi le début de sa vie auquel est consacré cet ouvrage, même s’il est centré sur Idiss née en Bessarabie à la fin du XIXe siècle. La Bessarabie, ce territoire que se sont disputés de nombreux pays au cours du temps, qui était alors possession de l’Empire tsariste, avant d’appartenir aujourd’hui à la Moldavie.

Ce prolétariat travaillait pour les commerçants et artisans juifs qui constituaient le deuxième niveau de la communauté

L’histoire d’Idiss est celle d’un monde disparu, le Yiddishland avec ses shtetels, ces villages peuplés de Juifs. Et rien que pour cela il faudrait lire ce livre. Son histoire est celle d’une famille contrainte de fuir les pogroms et qui voyait la France comme une terre d’espoir puisque c’était la patrie de Victor Hugo et mieux encore un pays dont une partie des habitants avaient pris le parti d’un capitaine juif contre le pouvoir militaire. De cela Idiss n’en savait rien car le rôle d’une femme dans son village était de faire vivre son foyer et surtout pas d’aller à l’école. Idiss était donc illettrée ce qui ne se remarquait pas en Bessarabie, mais qui constitua un réel handicap quand elle vint vivre à Paris. Cela la priva du grand plaisir de voir ses petits-fils briller à l’école. Mais avant de se retrouver Gare de l’Est, Idiss eut une vie bien remplie notamment parce que Schulim son mari avait passé cinq ans dans l’armée du Tsar, laissant leurs deux fils à sa charge. De simple brodeuse, Idiss passa ponctuellement à l’état de trafiquante de tabac pour ramener au foyer de quoi nourrir ses enfants. Schulim revenu, Idiss dut aussi faire avec ses dettes de jeu. Ce sont leurs deux fils Avroum et Naftoul qui partirent les premiers à Paris où ils récupéraient de vieux vêtements pour les faire réparer avant de les remettre en vente. Un destin bien classique pour les « Yids », les immigrants qui parlaient yiddish. Ce prolétariat travaillait pour les commerçants et artisans juifs qui constituaient le deuxième niveau de la communauté. Au-dessus on trouvait des professions libérales férues de diplômes. Et tout en haut de la pyramide figuraient quelques financiers comme les Rothschild ou des industriels comme André Citroën. Schulim suivit ses fils puis arriva Idiss avec leur fille Chifra dont le nom fut rapidement transformé en Charlotte. Contrairement à sa mère Charlotte bénéficia d’une vraie scolarité, son instituteur M. Martin ayant décidé de transformer des enfants venus d’ailleurs en petits Français comme les autres. Premier diplôme français de la famille, le certificat d’études de Charlotte fut fêté en conséquence. La mort de Schulim intervint peu après la fin de la Première guerre mondiale, d’un cancer qui l’envoya rapidement au cimetière de Bagneux. Les noces de Charlotte et de Simon ramenèrent de la joie au foyer. Simon né en Bessarabie, avait fait des études supérieures à Moscou, profitant du maigre quota concédé aux Juifs. Mais son avenir professionnel passa en France par la fourrure au travers de la société qu’il créa.

Pour prémunir sa famille de la débâcle, il l’avait envoyée à Nantes

Simon et Charlotte eurent deux fils, Claude puis Robert qui grandirent dans le XVIe arrondissement, symbole de la réussite de leurs parents. La religion était peu présente mais on y célébrait les fêtes juives et Idiss faisait vivre la tradition de son enfance aux fourneaux. La montée du nazisme vint troubler le parcours familial. Simon féru de politique écoutait les discours d’Hitler à la radio. Pour prémunir sa famille de la débâcle, il l’avait envoyée à Nantes. Peine perdue puisque le jeune Robert Badinter découvrit l’armée allemande devant le château de la duchesse Anne de Bretagne. La famille réintégra finalement son domicile parisien mais perdit la possession de l’entreprise de fourrure. Idiss frappée par un cancer n’était plus en état de suivre les Badinter en zone libre. Elle mourut rapidement tandis que son gendre fut arrêté sur ordre de Klaus Barbie à Lyon puis déporté à Sobibor d’où il n’est pas revenu.

Abonnez-vous pour être averti des nouvelles chroniques !

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *