Pourquoi Ana Mladič la fille de Ratko Mladič « le boucher des Balkans » est-elle morte ? C’est pour répondre à cette question que Lionel Duroy, ancien de Libé lui aussi, part enquêter en 2010 dans ce qui fut un jour la Yougoslavie. Avant de nous donner à la fin du livre sa réponse, Lionel Duroy parcourt une grande partie de la république Serbe de Bosnie. Une entité issue de l’éclatement de la Bosnie-Herzovine à l’issue de la pire des guerres européennes depuis la seconde guerre mondiale. Radovan Karadžić en fut son premier président et Ratko Mladič son bras armé, ce qui les mena devant le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie. En 2010 soit quinze années après la fin de la guerre, Mladič est toujours en cavale et ne sera arrêté qu’un an plus tard. La personnalité de Mladič, accusé entre autres du massacre de Srebrenica, qui coûta la vie à 8 000 Musulmans capturés, amène Duroy à comparer Ana Mladič aux enfants de Hanz Frank «le bourreau de la Pologne » et de Heinrich Himmler. Niklas Frank rejeta son père alors que Gudrun Himmler chercha à réhabiliter le sien. Ana Mladič qui était proche de son géniteur avait-elle compris qu’il n’était pas le défenseur de la nation Serbe, mais aussi un criminel avéré ? Dans ce cas, le suicide est sérieusement envisageable. Mais l’immense majorité des Serbes de Bosnie rejettent cette thèse qui serait celle de leurs ennemis. Elle ne peut avoir rejeté son père et a donc été assassinée. La manière dont Ana Mladič est partie n’a que peu d’importance. Elle illustre surtout l’impossibilité pour les Serbes de Bosnie de reconnaître ce qui s’est passé pendant la guerre. Et en conséquence d’envisager une reconstruction d’une vie entre les multiples communautés qui vécurent ensemble dans cette région. Le débat sur l’origine du bombardement du marché de Sarajevo l’illustre bien. Pour les Musulmans, il est le fait des Serbes, les seuls à disposer de l’artillerie. Alors que les Serbes continuent à affirmer que les Musulmans tués l’ont été par leurs propres troupes pour les discréditer. L’histoire a plutôt tranché pour la première thèse, mais ce qui est certain est que l’épuration ethnique qui en découla ruina pour longtemps toute possibilité de réconciliation autour de cette ville qui fut longtemps celle des quatre religions : musulmane, orthodoxe, catholique et juive. Les Serbes quittèrent Sarajevo pour s’installer sur ses hauteurs à Pale. C’est dans ce gros bourg que Duroy les rencontre. Ils ne se remettent pas de la guerre s’estimant trahis par la terre entière. Par la communauté internationale qui bombarda Belgrade. Par la Cour pénale internationale qui traque leurs héros. Et même par le gouvernement de la Serbie, prêt à les lâcher pour entrer dans l’Europe. Ils vivent entre eux dans une misère noire puisqu’ils ont perdu leurs anciens marchés yougoslaves, et qu’ils n’ont plus d’argent pour faire vivre leur économie. Pendant ce temps, la vie a repris à Sarajevo. Et on ne sait toujours pas de façon certaine pourquoi Ana Mladič est morte.