Magyd Cherfi est bien plus qu’un chanteur. Bien plus qu’un membre de Zebda. Bien plus que celui qui fait tomber la chemise. C’est aussi un écrivain à la langue inimitable. Ma part de Gaulois est son troisième ouvrage. Il y raconte les années qui ont précédé le bac rue Raphaël dans les quartiers nord de Toulouse. Un bac qu’il fut le premier à décrocher dans sa cité en 1981, une année où tous les changements étaient possibles. Ce statut de bachelier vient de loin car déjà petit Magyd passait pour l’intello au milieu des enfants d’immigrés, qui tous ou presque avaient accepté leur échec scolaire. Il y a gagné des « pédé » comme s’il en pleuvait car c’est ainsi que l’on appelait dans sa cité ceux qui réussissaient à l’école. Ceux qui faisaient comme les Français. Sa capacité à s’exprimer avec des mots lui valurent aussi moult coups. Ne cherchez pas pour autant la moindre plainte dans son livre car passer pour l’intello avait aussi des avantages. Éviter les matchs de foot qui constituent la base des relations sociales des jeunes mâles de la rue Raphaël. Et bien mieux encore une réelle proximité avec les filles qu’il émerveillait avec sa langue. « J’ai baisé vos sœurs » disait-il à tous ceux qui le traitaient de pédé. La grande chance de Magyd Cherfi c’est sa mère. Une Algérienne, qui ne parlait pas le français, mais qui tout de suite comprit qu’elle tenait une pépite avec ce fils. « Apprends mon bien-aimé » lui dit-elle dès son plus jeune âge. Et faute de pouvoir sortir de la cité l’ensemble de ses enfants, elle assume de tout miser sur le plus doué. Magyd a droit à des cours particuliers payés par la vente des rares bijoux de sa mère. Car chez les Cherfi, on est pauvre. À 18 ans Magyd partage son lit avec deux de ses frères. Comme il se refuse à accepter la fatalité, Magyd organise des cours de soutien scolaire pour les gamins de la rue Raphaël. Il refuse aussi le statut des femmes dont la normalité voudrait qu’elles soient frappées par leur père, leur frère ou leur mari. Comme Bija, massacrée par sa famille qui l’avait trouvée avec 24 heures de la vie d’une femme de Zweig que Magyd lui avait prêté. Quand arrive le bac, la cité est en émoi. Mitterrand est donné vainqueur de la prochaine élection présidentielle. Mitterrand, celui qui avait refusé la grâce à tous les Algériens quand il était ministre sous la IVe république. Les immigrés toulousains s’imaginent tous expulsés, voire guillotinés. Allez donc leur expliquer que la peine de mort va être abrogée. Allez Magyd, écris nous un truc qui tue, qui nous met le feu.