Surbooké

Le blog de Laurent Bisault

Bonsoir, la rose, CHI Zijian, Éditions Philippe Picquier

Juin 6, 2018 #Picqier

Xiao’e habite à Harbin, tout là-haut au nord de la Chine. Plus au nord que Vladivostok, pas loin du fleuve Amour. C’est une jeune fille modeste de la campagne qui est venue dans cette ville polluée pour tenter d’y gagner sa vie. Elle décroche un travail de correctrice dans un journal mais peine à trouver un logement. Après deux tentatives inabouties, elle atterrit chez Léna, une vieille femme juive dont la famille s’est réfugiée en Chine après la Révolution d’Octobre. Pourtant Léna ne tient pas à partager son logement bien qu’elle n’ait plus de famille, car elle est habituée à vivre dans son petit monde entre ses plantes, son piano et avant tout ses souvenirs. Léna accepte toutefois d’accueillir Xiao’e suite à l’intervention d’une connaissance commune. Mais elle lui fixe des règles de vie très strictes : pas de cuisine et encore moins de petit ami à son domicile. La cohabitation se met en place et Léna se montre généreuse en guidant Xiao’e dans le choix d’une garde-robe qui la met en valeur. Les deux femmes se rapprochent et célèbrent même le Nouvel an ensemble en déjeunant dans un restaurant occidental. Un véritable événement pour Xiao’e qui ne connaît presque que la nourriture chinoise. Au fil des pages, CHI Zijian nous fait découvrir une foultitude de plats : langouste au piment, fromage de soja, légumes sautés, tiges de chrysanthèmes ou encore soupe aux algues. Elle nous dresse le portrait d’une Chine qui ressemble pour beaucoup à l’Occident avec ses téléphones portables, ses supermarchés Carrefour et ses Pizza Hut. Ou encore ses jeunes gens qui se fréquentent avant le mariage. Mais le pays reste ancré dans ses traditions, surtout à la campagne. Xiao’e traîne pour cela un secret dont elle n’arrive pas à se remettre. Sa mère a été violée, ce qui lui a conféré le statut honteux de bâtarde. Quand il le découvrit, son père se mit à battre Xiao’e et à la couvrir d’injures alors qu’il chérissait son frère. Il n’avait plus eu dès lors qu’une idée en tête : se débarrasser de sa femme qu’il traitait de pute ainsi que de sa fille. La mort de ses parents, sa mère d’abord puis son père, ne changea pas grand-chose pour Xiao’e qui devint le souffre-douleur de la seconde femme de son père. Au fil du roman, on découvre que Léna porte elle aussi un secret intime qui nous est dévoilé dans les dernières pages. Un secret guère plus enviable que celui de Xiao’e. D’où le titre du livre que la traductrice nous explique dans sa postface : « La femme est une rose, l’homme est une abeille. Quand il a fini de butiner son pollen, qu’elle n’a plus d’attraits pour lui, il s’envole vers une autre rose ».

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