Que le titre ne vous trompe pas. Si vous cherchez un tendre récit sur l’enfance, passez votre chemin. Joseph Incardona est un auteur de polars, par ailleurs cinéaste, qui ne fait pas dans la mièvrerie. Il nous livre ici l’histoire d’André Pastrella, jeune Rital de 12 ans résidant en Suisse, dans toute sa crudité. La vie d’André, qui est quasi officiellement celle d’Incardonna, est faite de violences au sein ou à l’extérieur de sa famille, de déracinements et de racisme. Elle débute dans le livre par un énième déménagement qui amène André, Carlo son père et sa mère dans une HLM de la banlieue genevoise. Son père sicilien passe d’un boulot à un autre, toujours en quête d’un permis de séjour définitif, malgré son mariage avec une Suissesse. André est immédiatement pris en grippe par une bande de son nouveau quartier. Et son intégration ne passera pas non plus par l’école. Sa norme est celle inculquée par son père : se battre. Le roman fait furieusement penser à l’immigration new-yorkaise, quand les Irlandais ou les Juifs ne connaissaient qu’une méthode : la force. Hélas pour André, il est trop seul comme Rital pour se battre à armes égales. Son seul copain est Aki, un Niakoué pour les Suisses, un Japonais en réalité. Aki dont la mère prostituée causera les premiers émois d’André. Son intégration dans la société suisse est d’autant moins facile que son père vit toujours à l’heure italienne. Le dimanche est pour lui le moment où il suit sur son poste à ondes courtes le Calcio. Son équipe est l’AS Roma et surtout pas la Juventus de Turin, le club du patron de Fiat. Et quand un match est organisé au bas des immeubles, le père et le fils revêtent le maillot et adoptent la tactique de la Squadra Azzura : un attaquant devant et le reste de l’équipe en défense. Avec une virilité que n’aurait pas reniée Claudio Gentile, le rugueux défenseur de la Squadra. Les vacances en Sicile, le retour aux racines, constituent le seul moment de répit pour la famille. Carlo retrouve son village natal et ses parents, à commencer par Armando son père dont André est très proche. Mais le retour en Suisse réveille rapidement le sentiment du déracinement et les violences au sein du couple. Serrer les dents encore et encore, tel semble être l’avenir d’André même si son professeur détecte chez lui de vraies facilités pour l’écriture. Comme si l’avenir d’un jeune Rital, quasi-délinquant, pouvait passer par l’école.
