Gino Bartali, il campionissimo. L’immense champion cycliste italien avec à son palmarès trois Giro d’Italia, deux Tours de France à dix ans d’intervalle, en 1938 et en 1948. Mais aussi quatre Milan-San Remo, trois Tours de Lombardie, deux Tours de Suisse, quatre championnats d’Italie. On vous épargne le reste. Mais l’homme ? Que savons nous de l’homme ? Un grand chrétien puisqu’on l’appelait Gino il Pio, Gino le Pieux. Et aussi un héros qui refusa de faire allégeance au fascisme qui régentait la Botte. Un héros qui sauva de nombreux Juifs pendant la guerre au point d’être reconnu « Juste parmi les nations » et qui refusa d’en parler jusqu’à sa mort. Bartali est né en 1914 à côté de Florence dans une famille paysanne. Les lires y sont comptées et celles qu’il ramène dès ses premières courses sont les bienvenues pour améliorer l’ordinaire. Gino est alors apprenti chez un réparateur de vélos, lui qui n’a pas été au-delà de l’école primaire. Avec son premier Giro en 1936, le pouvoir mussolinien souhaite l’instrumentaliser pour en faire un représentant de la nouvelle Italie. Bartali ne l’accepte pas, refusant avec constance de faire le salut fasciste, préférant le signe de croix. Consigne est alors passée à la presse de ne raconter que les victoires sportives de Bartali et d’ignorer l’homme. Le rapprochement avec l’Allemagne nazie va de pair avec la ségrégation de la communauté juive. Les enfants sont exclus de l’école, les parents de l’administration, les entrepreneurs spoliés de leurs biens et les mariages entre Juifs et Aryrens interdits. Car c’est bien un racisme biologique et non religieux qui est institutionnalisé par les Fascistes italiens. Si Mussolini ne livre pas les Juifs à ses alliés, il leur prépare le terrain. Les Juifs italiens font pourtant peut-être plus qu’ailleurs partie de la communauté nationale. Ils n’ont jamais connu de pogroms. Fragilisé par le débarquement anglo-américain en Sicile, Mussolini est arrêté en 1943. Le pire est à venir pour les Juifs avec le désir de vengeance des Allemands. Les premiers convois partent pour Auschwitz. Primo Levi, l’auteur de Si c’est un homme, en fait partie. Bartali accepte de cacher une partie de la famille Goldenberg chez lui. Il s’engage dans un réseau de résistance catholique en convoyant dans toute l’Italie du Nord de faux papiers sous couvert d’entraînements. Le tube et la tige de selle de son vélo sont de bons abris pour ces documents. Il transporte aussi de l’argent pour la résistance. Bartali utilise à merveille son aura pour éviter les contrôles. Il se débrouille aussi pour arriver dans les gares au moment des départs des trains. Les mouvements de foule suscités par sa venue étant favorables à l’exfiltration de personnes pourchassées. Il est arrêté en juillet 1944, emmené dans un centre de torture, mais en ressort indemne. La fin de la guerre lui vaut de retrouver ce pourquoi il est le plus doué : la course cycliste. Sa victoire au Tour de France 1948 scelle la réconciliation de la France et de l’Italie. « Le vieux » entre alors en concurrence avec Fausto Coppi. Bartali représente la tradition et Fausto la modernité, notamment parce ‘il assume sa liaison avec la « Dame blanche » une femme mariée. Le binôme Bartali-Coppi est alors aussi célèbre que celui constitué par le démocrate-chrétien De Gasperi et le communiste Togliatti qui dirigent ensemble l’Italie. En 1978, des travaux universitaires américains décrivent le sauvetage des Juifs italiens. Ils sont popularisés en 1981 en Italie, mais Bartali refuse de parler de son action. Il meurt en 2000. Six années après, la république italienne lui décerne la médaille d’or du mérite civique. En 2013, les experts du Mémorial de Yad Vashem reconnaissent son rôle pendant la seconde guerre mondiale. Giorgio Goldenberg, que Bartali cacha chez lui, y a contribué par son témoignage.