Merde, un concurrent. Ou plutôt une concurrente qui prétend comme nous vous mettre sur la voie des bons bouquins. Mais qui n’a que ça à faire étant donné qu’elle est libraire dans la ville d’Uzès dans le Gard. Nathalie était prof de lettres à Paris. Elle adorait ses élèves. C’est pourquoi elle décide de les quitter. Enfin tranquille et au chaud parce que le soleil lui manquait, elle qui a grandi au Maroc. Pourtant elle raffole de Crozon d’où est originaire son marri. Mais vous connaissez le Finistère, quand il n’y pleut pas, il y flotte. Un coup à abîmer le papier. Alors direction Uzès, ses terrasses de café, son huile d’olive, sa fête de la truffe. Peinarde même si elle préfère le béluga. Elle rachète la librairie de la place aux Herbes, la retape. Coup de bol, Nathan son époux est architecte. Au boulot Nathan. Au boulot Hélène la voisine de la librairie qui était passée voir la nouvelle proprio. Au boulot Guillaume, le fils. On frotte, on ponce, on construit de nouvelles étagères en pin plutôt qu’en hêtre. Hêtre ou pas hêtre, cruelle dilemme pour une libraire. On ne garde que le tabouret et la vieille table où se trouvait la caisse de l’ancienne librairie. Et on ouvre. Difficile de dire si le décor y est pour quelque chose ou s’il faut mettre ça sur le dos de la libraire, mais les clients sont quand même zarbis. Prenez Cloé, adolescente, bientôt une femme, qui vient au magasin avec sa mère. C’est plutôt sympa de partager ses choix de livres en famille. Sauf que Cloé ne choisit rien. Sa mère lui impose les bouquins. Du lourd : Lamartine, Hugo, Stendhal. Certes le temps a validé ces lectures, puisque leurs auteurs sont entrés dans l’histoire. Mais on pourrait peut-être varier les plaisirs. C’est ce que fait Cloé en revenant en loucedé au magasin pour se faire conseiller par Nathalie. Elle repart avec La ferme africaine de Karen Blixen ce que ne lui pardonne pas la darone. Mais elle est comme ça Nathalie, elle cherche toujours à faire le bien autour d’elle. Elle prête des livres à un client contraint de se reposer à Uzès avant de reprendre son pèlerinage. Elle approvisionne en guides touristiques Philippe qui s’empresse de les tester en partant au bout du monde. Elle apprend à lire à Leïla, la jeune vendeuse de fromages de chèvre. Elle ressuscite Tarik, le légionnaire serbe qui a sauté sur une mine en lui lisant des livres sur la nature. Elle réconcilie Bastien avec son père en phase terminale autour d’œuvres de Giono, de Christian Bobin et de Jean-Christophe Rufin. Très bon choix Rufin, qu’on vous a conseillé dans un précédent numéro. Sans lui on aurait fini par passer pour des ignares. Elle convainc Arthur de laisser tomber son poste de facteur pour devenir acteur et lui fait répéter Andromaque. Et quand on vous aura dit qu’Ėrik Orsenna a préfacé le livre, vous aurez compris qu’on ne peut lutter avec une telle concurrente.