Surbooké

Le blog de Laurent Bisault

L’art de perdre, Alice Zeniter, Éditions Flammarion

Déc 6, 2017 #Flammarion

L’histoire des Harkis, ces supplétifs de l’armée française en Algérie ? Non. Une histoire de Harkis. Une histoire d’une famille sur trois générations, celle d’Ali, de son fils Hamid et de sa petite-fille Naïma. Une histoire racontée en trois parties par une romancière elle-même originaire par sa famille d’Algérie. Tout commence avec Ali le patriarche, né dans un petit village kabyle. Ali est Français sans vraiment l’être. Il l’est parce que la France est venu le chercher pour combattre à Monte Cassino, cette bataille où les forces alliées mirent en première ligne les soldats issus des colonies, Algériens, Marocains, Tunisiens et autres Sénégalais pour faire sauter les défenses qui empêchaient d’atteindre Rome. Une boucherie. Par chance, Ali avait besoin de survivre pour les besoins d’un roman. Il survit aussi à la reconquête de l’Alsace et retourne en Kabylie. Modeste paysan, sa vie est transformée quand il récupère un pressoir dans une rivière. on destin est tracé, il devient un notable en pressant les olives. Plus besoin de travailler la terre, d’autant qu’il touche une retraite d’ancien combattant. Quand surviennent les « événements » en 1954, Ali ne s’y intéresse pas plus que cela. Il est surtout en attente d’un fils comme tout chef de famille en rêve. Hamid viendra avec sa deuxième femme Yema. Ali ne s’engage pas quand la guerre prend de l’ampleur en Algérie. Comme ancien soldat, il doute que les maquisards puissent renverser le pouvoir français. Cela ne lui procure aucun avantage car quand l’armée française déboule dans son village pour se venger d’une attaque, ça défouraille à tout-va sur les femmes, les enfants ou les anciens combattants. Ali ne prendra jamais parti. Ni pour le FNL qui terrorise les villageois, ni pour les militaires français. Il aspire juste à vivre de ses terres en côtoyant des colons comme Claude qui tient l’épicerie du village. Mais dans cette période on ne peut rester neutre. Le FNL le considère comme allié des Français. Il doit donc partir avec sa famille pour sauver sa peau. Personne ne veut des Harkis en France. Ils ont d’abord droit au camp de Rivesaltes où les barbelés ont déjà accueilli les Républicains espagnols. Ils quittent les tentes où s’entassait la famille pour le Logis d’Anne en Haute Provence. Ali travaille pour l’Office national des forêts mais n’est toujours pas accepté par la population locale au point de ne pas être servi par un patron de bistrot qui le traite de crouille. Direction Flers en Normandie dans les HLM construits pour les Harkis. Si les nombreux enfants s’émerveillent de la baignoire, l’appartement est minuscule. Ali travaille à l’usine, dans une forge qui ruine la santé des ouvriers et en mutile quelques-uns. Son fils Hamid grandit dans la cité en cherchant constamment à s’intégrer, lui qui ne se considère plus Algérien. L’école lui offre cette possibilité mais avec combien de difficultés puisque le français n’est pas sa langue maternelle. Il étonne ses professeurs par ses progrès qui le mènent jusqu’au bac. Comme fils aîné il est aussi celui qui peut répondre au téléphone car Ali ne parle toujours pas bien le français et Yema ne le parlera jamais. Après le bac, Hamid migre à Paris. Un bon moyen pour fuir la misère car sa mère achète les slips par 50 pour économiser. Un modèle unique pour ses dix enfants, garçons ou filles. À Paris, Hamid rencontre Clarisse. Ils vivent ensemble mais mettent longtemps pour l’annoncer à leur famille. Clarisse craint le racisme de ses parents et Hamid a honte de son statut social. La cité s’est dégradée avec le chômage massif. Les cages d’escaliers sont délabrées et Hamid s’est brouillé avec son père qui lui dénie de ne pas respecter son statut de chef de famille. Hamid réussit à travailler à la Caisse d’allocations familiales. Clarisse et Hamid ont quatre filles. Hamid ne les emmènera jamais en Kabylie qui n’est plus son pays et parce que la guerre civile algérienne rend la région dangereuse. Ali meurt sans revoir ses oliviers. Naïma sera la seule à retourner au village où elle rencontrera ceux qui sont restés sur place ainsi que leurs enfants. Une rencontre émouvante mais sans suite. La troisième génération est désormais réellement française.

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