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Le blog de Laurent Bisault

Bernard Maris expliqué à ceux qui ne comprennent rien à l’économie, Gilles Raveaud, Éditions Les Échappés

Mai 1, 2017 #Les Échappés

Un bouquin sur l’économie ? Non un livre sur un économiste qui avec le temps n’appréciait plus l’économie au point d’expliquer à longueur de tribune qu’elle n’était rien en dehors des autres sciences sociales comme l’histoire, la psychologie et la sociologie. Bref un livre sur l’œuvre de Bernard Maris écrit par Gilles Raveaud, lui-même prof d’éco, élève puis ami de Bernard Maris. La place de Maris dans la sphère économique est incomparable parce qu’il a su en sortir pour pénétrer celle des médias. D’abord dans la nouvelle version de Charlie Hebdo élaborée par Philippe Val puis à la radio et à la télévision. À Charlie il était Oncle Bernard son double qui s’affranchissait des convenances pour rendre accessible ce que beaucoup s’efforcent de compliquer à outrance derrière une formalisation mathématique. Le tout avec un humour et une férocité qui le poussaient à déglinguer un prix Nobel d’économie en deux phrases. Prix Nobel, Olivier Blanchard ne l’était pas mais en tant que représentant de la doxa économique, il en prit pour son grade dans le portrait que lui consacra Maris en 2000. Portrait qui commençait ainsi : « Ah ! la science économique…Depuis que la Banque de Suède a inventé de toutes pièces un ” prix Nobel de l’économie “, vous devez croire que l’économie est une science ! Compris ? L’économie c’est une question de foi. Il faut croire ! À genoux, les béotiens ! À genoux ! Le marché est grand, la science économique est son prophète. L’économie a besoin de mathématique. Pourquoi ? Parce qu’elle est une idéologie. Comme le diable, qui fait peur, et dont la ruse suprême est de faire croire qu’il n’existe pas, l’économie terrorise et fait croire, elle, qu’elle est une science. De toute façon, les citoyens ne comprendraient pas ce qui concerne leur vie. La religion avait le latin, nous, on a les maths. Hosanna. L’économie est un mystère aussi grand que le Saint-Esprit. ». Raveaud nous décrit longuement les maths utilisées comme instrument de terreur par les économistes et l’Homo œconomicus cet individu rationnel dont Maris disait qu’il était comme le chien de Pavlov qui suit bêtement les variations de prix. « Le prix baisse ? Il salive et en veut plus ! Le prix augmente. Il en veut moins. C’est tout. ». Pourtant Maris s’en était cogné de la théorie économique et de la formalisation mathématique pour devenir professeur des universités. Jusqu’à plus soif, au point qu’il rejeta rapidement ce qui était alors incontournable chez ses confrères et plus spécialement ceux de Toulouse. Aux théoriciens en vogue, Maris préférait Keynes et Freud qui ne croyaient pas à l’autonomie de l’individu. Il aimait à expliquer que les marchés sont moutonniers, avec des acteurs qui se précipitent ensemble dans la même direction. Bernard Maris ciblait les tenants du discours économique officiel. Ce fut un temps Michel Camdessus, directeur général du Fonds monétaire international qui était en plus un fervent catholique. Et plus tard José Manuel Barroso président de la Commission européenne qualifié de benêt parmi les benêts. L’histoire donna tort à Maris car « le Portugais ensablé » était un malin qui sut se recycler avantageusement chez Goldman Sachs. Conseiller de Bill Clinton, Lawrence Summers eu droit à sa volée de bois vert. Non sans raison car cet économiste américain proposait d’envoyer les déchets toxiques du Nord vers les pays du Sud où la vie, mesurée par la productivité, avait une valeur moindre. Quand on vous dit que l’économie est une science ! En 2014 Maris fit sensation par une série d’articles dans Charlie où il expliquait la nécessité de sortir de l’euro. Lui l’Européen convaincu. Il ne voyait pas d’autre possibilité pour sauver l’industrie française étouffée par l’industrie allemande. Non pas par vénération de l’industrie mais parce que ce secteur est le vecteur de la recherche indispensable à toute société. Son histoire s’est arrêtée le 07 janvier 2015.

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