Surbooké

Le blog de Laurent Bisault

Petit pays, Gaël Faye, Éditions Grasset

Oct 5, 2017 #Grasset

C’était le temps de l’insouciance, de la jeunesse, des copains dans l’impasse. Autant dire du bonheur. Gabriel jouait au foot, il pêchait, il volait des mangues dans les jardins avec Armand, Gino et les jumeaux. Gaby allait sur ses onze ans. Il avait une correspondante française à qui il racontait sa vie. Gabriel terminait l’école primaire à Bujumbura, capitale du Burundi. Sa petite sœur s’appelait Ana, son père venait du Jura, sa mère du Rwanda. Yvonne était une Tutsie. Elle avait fui son pays pour échapper aux massacres commis par les Hutus. Ces ethnies ne signifiaient rien pour Gaby et Ana. Ils savaient tout au plus que les Hutus avaient un gros nez et que les Tutsis étaient grands et maigres. Mais comme certains Rwandais présentaient les deux signes distinctifs, allez y comprendre quelque chose. Le changement arriva sous la forme d’une séparation de ses parents qui ne s’aimaient plus. Yvonne partit, Gabriel et Ana restèrent avec leur père, dans la maison où travaillaient Prothé le cuisinier, Donatien le contremaître et Innocent un homme à tout faire. Pour la première fois, des élections libres étaient organisées au Burundi. Le président élu n’était pas le candidat soutenu par l’armée. Le chef d’état-major déclara qu’il respecterait le choix des urnes. Le père de Gabriel n’en croyait rien. La vie continuait car à onze ans, les subtilités de la vie politique locale échappaient à Gabriel. Il avait mieux à faire comme manger du crocodile rôti au barbecue ou boire une bière avec ses copains le jour de ses onze ans. Le président de la République fut assassiné. Cette fois c’était du sérieux. Gabriel, Ana et leur père se réfugièrent dans leur maison et dormirent pendant plusieurs jours dans le couloir. Yvonne avait encore de la famille au Rwanda. Gabriel et Ana allèrent les voir pour célébrer un mariage. Pour les Tutsis rwandais, l’avenir s’annonçait sombre. Ce fut encore pire que cela. La violence et la haine gagnèrent le Burundi. On lynchait des hommes dans les rues, les kalashnikovs côtoyaient les sabres. Yvonne revint du Rwanda où elle avait cherché à sauver sa famille. En vain. Le temps africain prenait fin pour Gabriel et Ana. Ils allaient grandir à Saint-Quentin-en-Yvelines. Gaby serait d’abord étudiant puis chanteur. Sans pour autant oublier ses origines. Son récit a trusté les prix dont le Goncourt des lycéens. Quel que soit votre âge, n’hésitez pas. Derrière l’horreur se cache beaucoup de tendresse.

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