Qu’on se le dise. Tim Willocks déserte le roman historique, un domaine où il avait excellé avec La Religion et Les Douze enfants de Paris pour aborder le polar. On oublie le siège de Malte en 1565 qui lui avait permis de pondre un chef-d’œuvre pour le suivre dans l’Afrique du Sud contemporaine. Toujours avec le même talent et les mêmes ingrédients : une écriture qui nous rend addicts et un héros solitaire qui combat avec une violence crue. Rien que de très logique quand on sait que Willocks est par ailleurs expert dans les arts martiaux et que son métier de médecin l’aide à identifier les points de faiblesse du corps humain. L’histoire débute par la virée de quelques Afrikaners dans un township du Cap. Pour cause d’excès d’alcool, une femme noire y laisse la vie, écrasée par un de leurs véhicules contre un container à ordures où elle avait été récupérer un burger. Elle aurait sans doute pu être sauvée si elle n’avait pas été laissée délibérément sur place pour fuir les ennuis. L’adjudant Turner, un flic noir de la Criminelle, va mener l’enquête en suivant les traces de la famille de Margot Le Roux, une riche propriétaire de mines dans le Nord du pays. Là où rien ne pousse, à quelques pas d’un désert où nul ne peut survivre. Fille de pauvres blancs, violée à 16 ans, Margot a fait fortune en découvrant des gisements de manganèse qui font vivre la région. Elle réside dans une vaste propriété dont la sécurité est assurée par son compagnon Hennie, un ancien mercenaire anglais, ainsi que par une milice privée dirigée par le Zoulou Simon. Un Blanc et un Noir. Alors que Turner découvre rapidement que le conducteur était Dirk le fils de Margot, elle va tout faire pour le mettre hors de cause. Cela nous vaut la description d’un pays gangrené par la violence et la corruption. Un pays où les Noirs restent des nègres pour les anciens fermiers blancs. Où on élimine ceux qui contestent le pouvoir en place. Où certains considèrent « Qu’il n’y a pas plus gros problème sur cette terre qu’un Noir intelligent ». Où l’économie prime sur les principes démocratiques. Turner va pourtant faire son travail, ce qui ne peut que mal finir. Comme Mattias Tannhauser dans La Religion Turner sème la mort sur son chemin. Non pas par plaisir de tuer, mais parce qu’il estime que justice doit être rendue. Il est bien le seul à y croire. Mais rien ni personne ne semble être en mesure de l’arrêter. Ni les flics corrompus. Ni l’amour d’une mère pour son fils. C’est du moins ce qu’il croit.