C’est un bouquin à l’image de sa couverture : coloré, chatoyant, plein de vie. Un bouquin qui vous fait du bien. Pourtant la vie de ses trois héroïnes, à l’image de celle de son autrice Marsha Mehran, n’a pas été facile. Comme Marsha les trois sœurs Aminpour ont quitté l’Iran dans des temps où il valait mieux pour elles s’en aller. Le régime du Shah s’effondrait ce qui n’empêchait pas les forces de l’ordre d’arrêter et de torturer qui elles voulaient. La suite, en la personne d’un chef religieux, ne leur aurait pas été plus favorable. Mais cela Marjan l’aînée, Bahar la cadette et la toute jeune Layla ne pouvaient le savoir. Elles se sont donc retrouvées à Londres avant de migrer par la suite en Irlande, à l’ouest du pays sur la baie de Clew. Sans lien avec l’Iran leurs parents étant décédés, n’ayant rien emporté dans leur fuite hormis quelques tapis, elles vont néanmoins perpétuer leurs racines en cuisinant. En proposant aux habitants de leur village les multiples saveurs, odeurs, recettes de la nourriture persane. Marsha Mehran vous les propose dans son roman qui sent l’aneth, la sarriette, le cumin, le curcuma, le basilic, les pétales de rose, le za’feran autrement dit le safran, les pistaches et les dattes. Et comme chaque chapitre commence par une recette, vous apprendrez à cuisiner les dolmas, des feuilles de vigne farcies, ainsi que la soupe de lentilles rouges. Vous mijoterez amoureusement les jarrets d’agneau pour élaborer l‘abgoosht. Côté dessert vous aurez droit aux baklavas à base de pâte filo et aux oreilles d’éléphant. Vous n’oublierez pas le pain lavash, cette fine galette saupoudrée de graines de sésame et de pavot que les Iraniens partagent avec tous les pays qui les entourent. Sans oublier la soupe à la grenade dont vous apprendrez qu’elle a aussi un caractère explosif.
Elles doivent aussi vaincre les fêlures qu’elles ont ramenées de Téhéran
Mais ces recettes ne seraient rien sans l’enthousiasme des sœurs Aminpour qui se donnent du mal pour faire découvrir leur cuisine aux Irlandais. Elles doivent pour cela trouver et retaper un local. Leur choix se porte sur l’ancienne boulangerie que le Napolitain Luigi Delmonico utilisait jusqu’à son décès. Or le baron local de bière,Thomas McGuire, lorgne dessus depuis sa fermeture pour en faire une boîte de nuit. Ce qui n’est pas rien quand on sait qu’en Irlande on boit de la bière comme si c’était de l’eau. Heureusement Estelle, la veuve de Luigi, refuse de lui vendre sa boutique. Le bail signé, les trois sœurs ouvrent le Babylon Café en cinq jours. Tout juste le temps pour Marjan de faire l’aller-retour jusqu’à Dublin pour s’approvisionner en ingrédients, et à ses sœurs de peindre les murs en pourpre tendance syrah. Heureusement pour elles Marjan, Bahar et Layla ignorent les propos des vieilles bigotes, et dédaignent ceux qui les traitent de Bronzées et d’Arabes. Elles doivent aussi vaincre les fêlures qu’elles ont ramenées de Téhéran. Pour cela quoi de mieux que l’amour qui ne tarde pas à toucher la jeune Layla. Le succès n’est donc pas loin. De toute façon comment aurait-on pu imaginer que la finesse des mets iraniens ne prennent pas le dessus sur la cuisine irlandaise ?