Flemmards les Français ? C’est ce que beaucoup ont prétendu récemment en s’appuyant sur une note de la Fondation Jean Jaurès et un sondage Ifop. 60 % des Français déclaraient ainsi en 1990 que le travail était très important dans leur vie. Ils ne sont plus que 24 % aujourd’hui. Houla, tout doux bijou, s’exclame la Queen de la socio Dominique Méda au micro de Mathilde Serrell sur France Inter. C’est une très mauvaise interprétation ! Et elle en connaît un rayon Dominique sur le sujet, elle qui scrute l’opinion des Européens sur le boulot depuis 1990. Déjà le sondage Ifop n’est en rien comparable aux enquêtes qu’elle utilise habituellement. Mais bien plus que la flemme c’est pour elle la déception des Français par rapport au travail qu’il faut questionner. Dominique Méda évoque les changements dans la manière d’exercer les métiers pendant la crise sanitaire qui n’ont pas perduré. C’est ce qu’ont connu les personnels hospitaliers qui se sont affranchis de la bureaucratie dans l’urgence du covid, avant de la voir revenir ensuite. Sur le long terme les Français se sont toujours déclarés attachés au travail tout en étant favorables à une réduction de sa place dans leur existence. Pour l’essentiel parce qu’ils sont déçus par la manière dont ils bossent. Ce sentiment touche en premier lieu les plus jeunes. Pas parce qu’ils ne voudraient plus travailler, mais parce qu’ils sont les plus maltraités étant contraints de repousser leur entrée dans la vie active, et de la commencer par des stages mal ou pas rémunérés.
Un ressenti d’injustice pour les salariés dits de « deuxième ligne » dont on a enfin compris l’importance
À cela se sont ajoutés des éléments plus conjoncturels de frustration nés de la période covid, qui ont permis à certains de réfléchir au sens qu’ils voulaient donner à leur travail. Et également de ce que certaines catégories de la population ont ressenti à ce moment. Un sentiment d’abandon pour les plus jeunes qui ont été confinés dans des logements particulièrement inconfortables. Un ressenti d’injustice pour les salariés dits de « deuxième ligne » dont on a enfin compris l’importance. Puisque leurs fonctions sont indispensables au fonctionnement de la société, alors qu’ils sont les plus mal payés, qu’ils n’ont pas accès au télétravail, et que leur situation ne s’est toujours pas améliorée depuis malgré les promesses qui leur avaient été faites. L’espoir de Dominique Méda est que ce moment si particulier, couplé à la nécessité de prendre en compte le changement climatique, permette de changer le travail. Parce que sauf à ignorer la contrainte climatique nous allons devoir supprimer des emplois et en créer d’autres. Ce qui donnera des opportunités pour rompre avec une grande partie de la division internationale du travail en relocalisant. Et pourquoi pas en profiter pour modifier la gouvernance des entreprises en donnant autant de poids aux représentants des salariés qu’à ceux des actionnaires. Elle est comme ça Dominique Méda, riche d’un CV d’un incroyable niveau, claire, accessible et optimiste quand elle s’exprime. Ce n’est pas elle qui va nous expliquer qu’il convient de travailler plus longtemps, qu’il n’est plus temps pour les chômeurs de faire les difficiles devant un job. Et ça ça fait du bien.
Henri un autre sociologue du travail
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« Super résumé ! », Dominique Méda sur Twitter
« Parfaitement bien synthétisé et « la Queen de la socio » on adore ! », Mathilde Serrel sur Twitter
Superbe commentaire Laurent. Toujours cohérent, avec style panache, recul.
Dominique Méda me donne la pêche