Cet auteur me fait du bien même quand il raconte des histoires douloureuses. C’est le cas dans ce roman consacré à la vie des femmes de marins dont il est écrit quelque part qu’elles perdront leur père, leur mari ou leurs fils. Malgré cela il se dégage toujours des bouquins de Grégory Nicolas une petite musique remplie d’humanité. L’homme est discret, pas vraiment connu, plutôt réservé sur les réseaux sociaux où il ne semble sortir de son domaine littéraire qu’en clamant son amour de quelques champions cyclistes comme Pierre Rolland ou Romain Bardet. Ce en quoi il a bon goût même si à titre personnel je placerais Thibaut Pinot au-dessus de ces deux adeptes de la montagne. Gregory Nicolas est né en Bretagne, une rude région où il a placé la quasi-totalité de ses romans. Mes sœurs, n’aimez pas les marins ne fait pas exception, il s’inscrit dans la lignée du précédent Les fils du pêcheur avec toutefois un angle différent. Ce sont cette fois les mères et les femmes de marins qui occupent le premier plan. Des femmes courageuses, volontaires, mais pas assez pour éloigner de la mer ceux qu’elles aiment. Bien sûr certains acceptent de laisser tomber leur bateau, avant d’y retourner pour vivre de la pêche sans laquelle ils ne gagneraient rien. Mais la mer est bien plus que celle qui fournit de quoi nourrir le foyer, elle est celle qui fait rêver avec des histoires de petites îles au large de Tahiti où on déguste la vanille. Elle propose des défis mortifères qu’il convient de relever dans les quarantièmes hurlants et les cinquantièmes rugissants. Des défis d’autant plus attirants qu’on vous en a parlé dès votre premier embarquement comme mousse sur le canot d’un capitaine dont on vous avait dit du bien. La mer est aussi celle qui emporte les marins lors de banales sorties de pêche à quelques encablures du port d’attache.
Un jeune Breton qui dompte peu à peu sa peur de la mer
Alors partez à la découverte de Perrine, une femme qui a compris qu’on peut choisir de ne pas épouser un marin mais pas empêcher son fils de le devenir. Appréciez son courage quand elle se ronge les sangs en attendant son enfant, ou dans sa conserverie de poisson où elle a osé faire grève en 1907, un mouvement social pour revendiquer un peu de dignité et qui est rentré dans l’histoire. Comprenez la rudesse de son existence quand elle se brise le dos en faisant le goémon parce qu’il faut bien gagner un peu d’argent. Apprenez avec elle à pêcher les couteaux en plaçant du sel sur les trous à marée basse pour les attraper d’un geste vif. Dégustez la modernité de Paulette capable de conduire sa Peugeot 202 peu après la guerre, et de partir à Londres apprendre l’anglais plutôt que de se morfondre en attendant son époux. Profitez de Jean un bon p’tit gars que sa mère avait imaginé instituteur parce qu’on lui avait venté son orthographe admirable et son français superbe. Un jeune Breton qui dompte peu à peu sa peur de la mer, et celle des Anglais qui pourraient bombarder le bateau sur lequel il navigue. Jean un homme en devenir grâce à Jean Cadoret et son Mutin qui lui apprennent le métier de pêcheur. Savourez les paysages du Jura d’où l’on aperçoit Genève et le Mont-Blanc avant de manger les spécialités locales et de boire un pinard qui vous donne envie de ne jamais repartir. Et retournez sur le parcours du Tour de France du côté de Mûr-de-Bretagne à l’époque de Robic dit « Biquet » et de Vietto « le Roi Jean ».
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Bonjour Laurent, je viens de lire votre chronique, elle est belle et me fait très plaisir. Je suis très heureux de savoir que la vie de ces femmes vous a touché.
Bien à vous.
Gregory Nicolas