Surbooké

Le blog de Laurent Bisault

Du bruit sous le silence, Pascal Dessaint, Éditions Rivages

Sep 12, 2023 #Rivages

Maurice Tamboréro se prépare à gagner pour la quatrième fois de suite le Bouclier de Brennus. Le Graal pour tout joueur de rugby. Tamboréro est demi de mêlée au Racing club toulousain et il fait partie des meilleurs. Mais en ce mois de février 1997 Tamboréro est abattu dans la rue d’une balle en plein cœur alors qu’il circule à vélo dans le centre de la ville rose. L’enquête est confiée à deux policiers. Le commissaire Élie Verlande né à Dunkerque qui a atterri il y a trois ans dans la cité mondine, et le capitaine de police Benoît Terrancle originaire du Sud-Ouest. Les deux hommes ont peu de points communs, le nordiste ignore tout du rugby alors que le local y a joué. Verlande vit avec sa vieille mère qu’il ne supporte pas, Terrancle multiplie les conquêtes. Tuer un joueur du Racing c’est bien plus qu’un simple assassinat. C’est attenter à une fierté toulousaine, toucher au sacré, parce que comme l’explique le président du club, le Racing est avant tout un phénomène culturel. C’est un symbole qui appartient à tous les Toulousains. Alors autant dire que les deux policiers vont devoir marcher sur des œufs. L’enquête s’annonce difficile. Par superstition Tamboréro utilisait toujours le même parcours pour se rendre au stade. Il l’avait récemment raconté dans Sud’Ol l’hebdo local consacré au rugby. Certes les enquêteurs découvrent rapidement le lieu d’où a été tirée la balle. Ils y trouvent des restes de barres et de boissons énergétiques mais aucune empreinte digitale. Juste des traces de pas, du 42 ce qui a priori exclut les « gros » de l’équipe toulousaine. Mais on le sait les policiers sont des teigneux, des personnes qui ne lâchent pas. Un peu comme les rugbymen.

« Des filles avec qui l’essai n’est jamais loin de la transformation »

Pas de panique le demi de mêlée toulousain Antoine Dupont est bien vivant, et même dispo pour l’actuelle Coupe du monde de rugby. C’est donc bien une fiction que nous propose Pascal Dessaint. Une fiction qui date de 1999, que je viens de relire pour mieux profiter des hakas et des sifflets envoyés à Macron au Stade de France. Ça tombe bien parce que ce bouquin, qui nous fait découvrir quelques-unes des faces cachées du plus grand club français, est palpitant, haletant, comme les meilleurs matchs, avec ses attaques, ses coups bas et ses rebondissements. Si vous ignorez tout du jeu « inventé » par William Webb Ellis, précipitez-vous sur Du bruit sous le silence pour découvrir ce qui différencie les gros des gazelles. Pour vous convaincre qu’au rugby « il y a les déménageurs de piano et ceux qui en jouent ». Que le combat, le sentiment du collectif et la douleur sont des éléments essentiels au sein d’une équipe. On dévore le livre avec le même besoin d’en connaître la fin que pour un grand match. Du bruit sous le silence est autant un roman noir qu’un polar par sa capacité à nous montrer une micro-société, celle du rugby qui se prépare à entrer dans l’ère du professionnalisme. Les joueurs ne sont pas encore salariés, ils sont défrayés avec de l’argent qui coule sous le manteau, que le fisc est impuissant à taxer. Les troisièmes mi-temps sont encore de mise avec leurs lots d’alcool et de filles avec qui « l’essai n’est jamais loin de la transformation ». Le roman est également un formidable portrait des deux enquêteurs, qui vont davantage se combattre que collaborer, pour comprendre comment et pourquoi le demi de mêlée vedette du grand Racing club toulousain ne poussera plus jamais ses avants à se saisir du ballon avant que les arrières ne fassent se lever tout le stade.

One thought on “Du bruit sous le silence, Pascal Dessaint, Éditions Rivages”

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *