Il était parti à Jérusalem pour la bonne cause : inscrire ses grands-parents maternels au sein des Justes parmi les Nations pour avoir caché dans leur grenier le peintre Eli Trudel et sa femme pendant la guerre. Mais à peine Stéphane Milhas a-t-il présenté aux experts de Jérusalem le tableau qu’auraient reçu en remerciement papi et mamie, qu’il se retrouve en garde à vue, accusé d’être un voleur, un spoliateur de Juifs. Il avait imaginé sa famille honorée par le centre Yad Vashem, et il se retrouve du mauvais côté de l’histoire. Ce tableau il l’avait reçu de son oncle et de sa tante qui avaient vidé leur maison avant de migrer vers l’Ehpad. L’aquarelle devait sauver le couple en perdition qu’il formait avec Irène, et elle pourrait bien accélérer leur rupture. Heureusement Stéphane s’en sort, il revient en France bien décidé à découvrir ce qui s’est réellement passé pendant l’hiver 1943 lors de la fuite d’Eli Trudel et de sa femme dans les Cévennes. Une fuite qui ne les exempta pas de finir à Auschwitz. Mais démêler les secrets de la Résistance soixante-dix ans après s’annonce compliqué, surtout quand cela risque de remettre en cause son histoire familiale. Alors il va enquêter d’Alès à Toulouse et Madrid au risque de se faire plus de mal que de bien.

Les rescapés devaient se débrouiller seuls pour éviter la Guardia Civil

Roman historique, thriller, mais aussi roman sur la transmission familiale, Le tableau du peintre juif a plusieurs facettes et encore plus de qualités. Nombreux sont ceux qui découvriront comment fonctionnaient les filières avec lesquelles Juifs, résistants et aviateurs anglais tentaient de passer en Espagne. Les fuyards devaient faire avec la malhonnêteté de certains passeurs, la traque des Allemands, et les difficultés liées aux montagnes. Et ce n’était pas rien pour des personnes non seulement sous-alimentées mais aussi démunies d’équipements adaptés à l’altitude. Pourtant certains y parvenaient en partant de Toulouse via le Comminges en Haute-Garonne ou plus difficilement encore par le Couserans en Ariège (voir Le Nageur de Pierre Assouline). Une fois la frontière atteinte, les rescapés devaient se débrouiller seuls pour éviter la Guardia Civil. Certes l’Espagne de Franco pratiquait une certaine neutralité dans le conflit mondial, mais l’Angleterre et l’Amérique du Sud étaient encore loin. Le suspense du livre est lié aux multiples rebondissements auxquels est confronté Stéphane Milhas, d’abord en Israël et surtout pendant sa recherche de l’histoire du tableau. L’émotion tient pour beaucoup à la redécouverte du grand-père de Stéphane qu’il n’avait que brièvement côtoyé. Un protestant cévenol taiseux, qui fit preuve de beaucoup de courage comme chef de réseau pendant la Résistance. Et puis il y a en permanence le souvenir des victimes recensées par Yad Vashem.

Un des innombrables noms archivés par Yad Vashem, celui de mon grand-père maternel

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