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Le blog de Laurent Bisault

La mort du roi Tsongor, Laurent Gaudé, Éditions Actes Sud

Août 29, 2024 #Actes Sud

Le roi Tsongor allait marier sa fille avec Kouame le prince des terres de sel et ce matin tout le monde s’affairait au palais de Massaba. Des milliers de tentes se dressaient le long des remparts. Des nomades arrivaient de partout pour assister aux noces de Samilia. Comme les habitants du lieu ils avaient tous déposé leur offrande. Quand Katabolonga pénétra dans la salle du tabouret d’or il comprit que ce jour serait le dernier, où lui le sauvage, suivrait le roi de salle en salle portant le tabouret. Parce qu’il allait le tuer. Tsongor avait mis vingt ans à constituer son royaume. Vingt ans de guerres, de campements, de combats, de victoires qui avaient rallié les ennemis à ses rangs. Katabolonga était de ceux qu’il avait soumis. Il était sans doute l’ultime survivant. On lui avait tout pris, ses femmes avaient été violées et assassinées. Il s’était alors avancé nu vers Tsongor et lui avait dit « Je suis Katabolonga et je te tuerai ». En retour le roi lui avait proposé de rester à ses côtés et de devenir le porteur de son tabouret d’or. Il avait aussi annoncé que sa mort appartenait à Katabolonga qui n’aurait qu’à choisir son moment car il ne s’y opposerait pas. En cette veille de mariage surgit alors un homme qui demanda à parler au roi. C’était Sango Kerim, celui que Tsongor avait choyé comme son cinquième fils, et qui à quinze ans était parti découvrir le monde. Sango était de retour pour épouser Samilia conformément à la promesse que les deux enfants s’étaient faite il y a fort longtemps. En fonction du choix du mari de sa fille, Tsongor allait déclencher une guerre avec l’armée de celui qui serait éconduit. Aussi le roi demanda-t-il à Katabolonga de le tuer. Mais celui qui s’était mû en fidèle serviteur depuis si longtemps ne le pouvait plus. Alors Tsongor se trancha les veines.

Gaudé est un des très grands écrivains français

Cette épopée que Laurent Gaudé a écrite après une relecture de L’Iliade est magnifique. Publié en 2002, et couronné la même année du prix Goncourt des lycéens, le roman fait désormais partie du programme des collèges. L’action n’est pas datée ni précisément située même si les allusions aux Touaregs renvoient au Sahara central, ce qui lui confère un caractère universel. Et comme Laurent Gaudé est également l’auteur du Soleil des Scorta primé par le Goncourt en 2004, alors plus aucun doute : c’est un des très grands écrivains français. La mort du roi Tsongor est une réflexion sur la folie qui entraîne les hommes dans la guerre. Une guerre que Tsongor n’a pas su éviter et qui l’a poussé au suicide préférant mourir que choisir entre les deux prétendants de sa fille. Les conséquences sont monstrueuses tant la haine s’empare des combattants les poussant aux meurtres sous toutes les formes. Les combats sont vains car ainsi en ont décidé les dieux. Dans cette folie meurtrière les femmes sont les plus sensées. Samilia d’abord au nom de qui la guerre est déclenchée et qui ne fait rien pour l’attiser. Shalamar et Malibu ensuite qui savent gouverner leur pays. Souba le plus jeune fils de Tsongor fait aussi exception, insensible à la haine et à la soif du pouvoir qui s’empare de ses frères. Sans pour autant être en capacité d’arrêter le massacre. « Partout je me tourne je ne vois que la guerre » dit Tsongor à Katabolonga. L’épopée mythologique resituée en Afrique est pleinement d’actualité.

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