René Josse jeune mineur de Douai a été envoyé pour trois ans aux bataillons d’Afrique. C’est le traitement réservé aux fortes têtes. Et comme si ça ne suffisait pas, il prend deux ans à Biribi un bagne militaire. Ici la cruauté des chaouchs, les surveillants indigènes, n’a pas de limite. Pour punir les prisonniers, ils les attachent pieds et poings liés dans une fosse où les soldats déversent les ordures. À Alger le lieutenant Julien Koestler de la police militaire est appelé suite aux meurtres de six personnes chez les Wandell. Cette famille de grands bourgeois liée à la Banque des Colonies vit dans une luxueuse villa sur les hauteurs. Le commissaire Gloagen suspecte deux disciplinaires, des bagnards placés par l’armée chez les Wandell pour travailler à faibles coûts. À Alger en 1900 ces assassinats s’ajoutent au chaos ambiant. La ville est aux mains des antisémites qui se reconnaissent par un bleuet synonyme de « Mort aux juifs ». Ces bons Français diffusent des listes de commerces ou d’employeurs juifs à boycotter. Ils prétendent que les Algérois voteraient pour une chèvre pourvu qu’elle soit antisémite. L’ancien maire Max Régis a créé le désordre en purgeant la police d’un tiers de ses éléments, des Juifs ou leurs soutiens. Alors autant dire que l’arrestation des fuyards s’annonce compliquée. Et plus Koestler avance dans son enquête plus il se dit que les deux bagnards ne peuvent être les seuls coupables.
L’armée française pille, viole, torture, extermine
On y revient toujours : pas mieux qu’un roman noir pour décrypter une société. Et elle est moche l’Algérie coloniale. Gangrenée par le racisme contre les Arabes, les Kabyles, les Nègres, les Espagnols, les Portugais. Mais aussi au début du XXe siècle contre les Youpins. On est en pleine Affaire Dreyfus, deux années après le J’accuse de Zola. Et le décret Crémieux, qui accorda la citoyenneté aux Juifs algériens, ne date que de trente ans. Si on y ajoute la colonisation en cours en Afrique occidentale on atteint des sommets dans l’horreur. L’armée française pille, viole, torture, extermine pour conquérir de nouveaux territoires. Chez les petits blancs rien de mieux que ces boucs émissaires pour oublier combien ils se sont fait flouer par la mère patrie, qui les a envoyés chercher une fortune illusoire de l’autre côté de la Méditerranée. Les Alsaciens réfugiés de la défaite contre la Prusse sont nombreux à avoir cru à cet eldorado. Dommage pour eux que leur patronyme soit en plus parfois confondu avec un nom juif. Sous couvert d’une enquête criminelle Gwenaël Bulteau nous raconte cette épouvantable société qui ne pouvait éternellement tenir.
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