Chronique écrite pour l’émission Blood at Roots de Radio Mon Païs, 90.1 à Toulouse, du 27 juin 2025 de 19 à 21 heures
C’est décidé, on y va. Où ? Dans le plus grand festival de musique noire de l’histoire : au Festival culturel de Harlem. Et la session qui nous intéresse est celle de juin 1969, parce qu’elle aurait, au moins par sa programmation, dû rentrer dans les mémoires. Pensez donc un peu, on a pu y écouter sur six jours entre autres Abbey Lincoln, The Edwin Hawkins Singers, Max Roach, Mahalia Jackson, le révérend Jesse Jackson, Stevie Wonder, Mongo Santamaria, Ray Barretto, Nina Simone, BB King, Sly and the Family Stone. Soit du jazz, du gospel, du blues, de la soul, du funk et de la musique des Caraïbes. Pourtant c’est un autre événement musical de cette année 1969 qui a trouvé sa place dans nos cerveaux : le Festival de Woodstock. On pourrait penser que l’ode musicale à la culture hippie a accueilli infiniment plus de spectateurs que l’hommage à la musique noire, mais il n’en est rien. On en a compté un demi-million à Woodstock et 300 000 à Harlem. L’explication ne vient donc pas de l’affluence. Elle provient de ce que le Festival de Harlem émanait d’une communauté à l’audience très réduite.
L’événement a heureusement été filmé
Ce que l’on a aussi appelé le « Black Woodstock » est passé sous les radars parce qu’en 1969 les médias blancs ne s’intéressaient aux Afro-américains qu’en cas d’émeutes. Or en ce mois de juin, des émeutes il n’y en eut pas, les habitants de Harlem ayant préféré écouter de la musique et participer à des débats et des rencontres sur le thème de la fierté noire. Le Festival culturel de Harlem était en 1969 d’autant plus politique qu’il s’est tenu un an après l’assassinat de Martin Luther Kink (MLK). Et que le gospel et les paroles de la très engagée Nina Simone apportaient des réponses aux spectateurs. L’événement a heureusement été filmé, et grâce au documentaire Summer of Soul on peut bénéficier de deux heures d’images et de musiques. On n’y voit quasiment aucun Blanc, hormis John Lindsay le maire de New York qui avait donné son accord pour l’organisation. Ce fervent défenseur des droits civiques s’était l’année précédente rendu dans Harlem pour que la ville ne s’embrase après l’assassinat de MLK. Il n’y avait par contre aucun policier dans les travées du festival, puisque le Département de police de la ville de New York avait refusé d’assurer la sécurité. Les membres du Black Panther Party les avaient avantageusement remplacés, évitant ainsi une confrontation entre le public et des agents notoirement racistes.
Vous pourrez toujours revenir à Hendrix
La notoriété du festival de Woodstock s’est en grande partie construite à partir du film qui lui a été consacré. Alors pour rétablir l’équilibre, profitez des images que le producteur du Festival de Harlem Hall Tulchin a fait mettre en boîte en juin 1969. Vous avez de la chance, puisque de son vivant il n’avait jamais réussi à les diffuser. Tulchin a heureusement eu la bonne idée d’en céder les droits deux ans avant sa mort. Ensuite si vous êtes toujours en manque de musique noire, vous pourrez toujours revenir à Hendrix réinventant la Bannière étoilée à Woodstock. Car si ce festival mythique a été organisé à White Lake, la communauté noire n’en a pas été exclue, en témoignent les présences de Richie Havens, de Sly and the Family Stone, ou des latinos de Santana. Tous à leur manière, noirs et blancs, tels Country Joe McDonald, ils luttaient contre la guerre du Vietnam.
Présentation de Summer of Soul
Oh Happy Day, The Edwin Hawkins Singers
The 5th Dimension, Aquarius / Let the Sunshine In
B.B. King, Why I Sing the Blues
Gladys Knight – The Pips, I Heard It Through the Grapevine
Mongo Santamaria,Watermelon Man
Ray Barretto, Together
Nina Simone, Backlash Blues
Jimi Hendrix, The Star Spangled Banner, Woodstock
Richie Havens – Freedom, Woodstock 1969
Country Joe Mc Donald, Woodstock, August 16, 1969
Abonnez-vous pour être averti des nouvelles chroniques !