Charles Perrière a cinquante ans, il est directeur de l’IGPN la police des polices. Aline sa femme est professeur d’histoire-géographie, elle ne déteste pas faire fantasmer ses lycéens de terminale avec son décolleté. Ils ont trois enfants, Virgile et Anouk. Et Alexandra l’aînée qui est là parce que sa mère l’a suppliée de venir pour l’anniversaire de son père. Voilà trois ans qu’elle est partie du foyer familial. D’abord à Londres où elle a multiplié les petits boulots pour financer ses études dans la mode. Ensuite à Paris pour les terminer, avec la satisfaction en France comme en Angleterre de s’être débarrassée de son père. Charles a désormais soixante-dix-huit ans. Avec le départ des enfants, il a avec son épouse lâché la maison de Sèvres pour un appartement avenue de Suffren dans le 15e arrondissement. Sa principale préoccupation est sa prostate. Charles a peur. Il a raison puisque l’urologue lui détecte une tumeur cancéreuse qui sera traitée par radiothérapie avant l’opération. Dominique Bontet est juge d’instruction en fin de carrière. Elle adore son métier malgré les perversités humaines qu’elle côtoie. Un jour elle reçoit un courrier qui attire son attention. Une certaine Myriam Desmures demande à être reçue pour raconter une histoire qui l’obsède depuis trente ans. Sans doute parce que la missive était rédigée avec des termes juridiques, Dominique Bontet accepte et l’écoute. Charles n’a plus de contact avec Alexandra. Elle a cinquante-trois ans, elle lui manque, il ne sait pas s’il la reconnaîtrait. Comme elle ne vient plus à son anniversaire, il exige qu’on laisse sa chaise à table pour que tous se souviennent de l’histoire familiale. Mais sa fille ne veut plus le voir, ni lui ni les autres. Parce que vingt-cinq ans plus tôt son père lui a balancé qu’elle préférait aller à une fête de gouines plutôt qu’à un repas de famille. Or Alexandra n’est pas une gouine, elle est lesbienne.
On ralentit sa lecture pour ne pas y mettre fin trop rapidement
Si vous cherchez un excellent thriller, qui accorde une grande importance à la psychologie des personnages, avec un récit construit avec brio, c’est ici que ça se passe. Rien de mieux pour jauger de la qualité d’un roman que de constater qu’on y retourne avec plaisir. Voire même qu’on ralentit sa lecture pour ne pas y mettre fin trop rapidement. On ne sait rien de toi est l’histoire de l’emprise que Charles Perrière développe sur son entourage. Sa fille, sa femme, sa famille, en tant que dictateur venimeux. C’est bien pire avec sa maîtresse qui peu à peu perd toute autonomie et devient incapable de se préserver. Elle était magnifique, on la regardait, elle n’est plus que celle qui attend Charles selon son bon vouloir. Le récit s’installe progressivement, sans meurtre, sans disparition mystérieuse, mais avec une angoisse qui s’empare du lecteur. Le grand flic, celui qui tout jeune voulait intégrer les bœuf-carottes, celui qui allait éradiquer la corruption de ses collègues, triche avec tout le monde. Il s’est construit une double vie qui n’a rien à voir avec un vulgaire cinq à sept. Fabrice Tassel nous la révèle en mélangeant les époques. Il prend son temps, le pire est sûrement à venir. C’est brillant.