Surbooké

Le blog de Laurent Bisault

Le collectionneur de serpents, Jurica Pavičić, Éditions Agullo

Août 25, 2025

C’est un recueil de cinq nouvelles publié en 2023 dans sa version française par les éditions Agullo. C’est le premier ouvrage de ce type présenté sur ce blog, et il est logique qu’il soit signé d’un grand écrivain : le Croate Jurica Pavičić. Nous l’avons découvert en France quand il reçut en 2021 le prix du polar européen pour L’Eau rouge, que j’ai chroniqué sur Surbooké avant d’enchaîner avec ses deux romans suivants. Pavičić continue ici sur un format court le récit de son pays avant, pendant, et après la guerre civile. Un événement monstrueux toujours pas digéré par les Croates. Et quoi de plus logique quand on sait le nombre de personnes tuées, blessées, déplacées, et les atrocités commises pendant cette guerre. Première nouvelle du recueil, Le collectionneur de serpents débute en mars 1992 soit une année après le début des hostilités. Le recruteur de l’armée débarque dans une maison familiale de Trogir à côté de Split. Le moment est mal tombé puisque le jeune Dino vient d’ouvrir une boutique à Kaštela en bord de mer pour vendre des glaces, des journaux et des articles de plage, ainsi qu’un autre magasin dédié au carrelage italien. Mais il n’a pas le choix, il a ordre de se présenter sans délai au centre de mobilisation de Split où on annonce aux conscrits qu’ils ne reviendront pas tous de là où on va les emmener. Dino se retrouve à tenir une position sur des hauteurs à un moment où le front s’est engourdi. Comme les soldats dorment dans les cabanes d’un village situé à trois heures de marche, ils passent une grande partie de leur temps à crapahuter. Ici l’armée croate intègre tous les citoyens, jeunes, vieux, gros, maigres, en les plaçant sous l’autorité de Boris leur chef d’escadron, un prof de biologie dans le civil. Elle est aussi allée chercher des gamins imberbes d’à peine dix-huit ans, parce que leur expérience du joystick les rend insurpassables pour diriger certains missiles. Mais voilà la guerre, la vraie, n’est pas un jeu vidéo.

La république fédérative populaire l’avait imposé comme colocataire au grand-père médecin de Niko

La seconde nouvelle intitulée Tabernacle est consacrée à un appartement. La famille de Niko y a longtemps vécu avant d’être contrainte à le quitter. Arrivé à l’âge adulte NiKo avait lutté pendant quinze ans pour le récupérer. Maja sa femme avait été la dernière à mener le combat parce que quand même, 100 mètres carrés près du quartier touristique c’était un capital. Pourtant rien n’y fit. Vujnović y était entré quarante années plus tôt. La république fédérative populaire l’avait imposé comme colocataire au grand-père médecin de Niko au titre qu’il disposait d’une trop grande surface. Telle était la règle en l’année 1946. Alors la famille s’était serrée, et plus encore quand les accouchements se multiplièrent. Puis le grand-père mourut, et ils finirent par déménager dans un trois -pièces d’une tour nouvellement construite à Split. Quand intervint la mort de Vujnović, Niko récupéra le bien familial et une sacrée surprise l’attendait à l’intérieur.

Frane lui avait piqué sa première copine

Le personnage principal de La patrouille sur la route s’appelle Josip Jonjić, il est policier dans la ville d’Imotski en Croatie. Un boulot plutôt tranquille qui le met principalement en contact avec des ivrognes et ceux qui commettent un tapage nocturne. Sa principale préoccupation n’est pas liée à son statut, elle vient de son frère cadet Frane, et ça remonte à loin. Passe encore que son frangin ait reçu plus que de raison des mauvaises notes pendant sa scolarité, qu’il ait volé de l’argent dans un kiosque, et refusé de bosser pendant son apprentissage. Tout cela affectait surtout leurs parents. Mais Frane lui avait piqué sa première copine tout en clamant que cette fille était « chaude de dingue ». En 1991 la guerre débuta et il échappa à la prison contre un engagement dans l’armée. Josip le suivit mais pour peu de temps. Il fut libéré de ses obligations militaires pour sauver ses reins, c’est pour cela qu’il devint policier. Or exercer ce métier quand son frère est un salopard n’annonce jamais de bonnes choses.

Si elle avait le choix Margita ne vendrait pas la maison

Dans La sœur Margita observe les passagers qui débarquent dans son île en se demandant si elle la reconnaîtra. La femme est architecte, elle vient de Rijeka, elle s’appelle Tea et elle vient voir la maison. Margita et sa sœur Marija vont la vendre. C’est leur grand-père Ivan John Moskovich dit « l’ Américain » qui l’a construite. Il tirait son nom de ce que son père et son grand-père l’avaient envoyé à seize ans là-bas, parce que seuls les fainéants restaient sur cette île. Mais lui ne voulait pas partir si loin, chez cet oncle qu’il n’aimait pas. Il a pourtant travaillé vingt ans de l’autre côté de l’Atlantique en découpant des thons et des pélamides. Il a aussi transformé des saumons en Alaska, là où deux indiens lui avaient sauvé la vie quand il était tombé dans une crevasse gelée. Si elle avait le choix Margita ne vendrait pas la maison. Elle y occupe le premier étage avec son mari Božidar alors que sa sœur Marija ne met pas les pieds au rez-de-chaussée qui lui a été attribué. Mais Marija vit à Belgrade, pas en Croatie, et elle a été inflexible : c’est la vente ou un versement de la moitié du prix pour l’indemniser.

Il partait avec un sac à dos vide et revenait sans rien dedans

Le héros de la dernière nouvelle arriva dans le village de Buturi situé à proximité de l’Herzegovine. Le conseiller Zvonko Butur l’attendait. Robert était géomètre, il transportait beaucoup de matériel dans son quatre-quatre, il était venu mesurer la frontière à cause de Schengen. Il était logé chez Ane, une femme à l’âge indéfinissable dont le mari était mort dans un accident de voiture. Le véhicule avait brûlé après être tombé dans un ravin et les sauveteurs avaient mis plusieurs heures à remonter le corps qu’elle n’avait pas voulu identifier. Quand Robert alla à la taverne, Frane le cousin de Zvonko le reconnut. Ils s’étaient croisés en 1995 pendant l’opération Tempête, Robert était alors lieutenant dans l’armée croate. C’est en repérant les voyages quotidiens de Frane de l’autre côté de la frontière que Robert comprit. Officiellement le marcheur allait ramasser des asperges sauvages, mais il partait avec un sac à dos plein et revenait sans rien dedans. Robert sauta sur Frane et le força à le mener jusqu’à celui qu’il cherchait : le général croate Jakov Didović Dida. Celui pour qui Interpol et les services secrets avaient remué ciel et terre. Un criminel de guerre présumé dont la photo avait été affichée sur d’innombrables bâtiments. Celui qu’on avait surnommé «Le boucher de Kliški ».

Qu’en dit Bibliosurf ?
https://www.bibliosurf.com/Le-collectionneur-de-serpents.html#recherche

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