Surbooké

Le blog de Laurent Bisault

Dur comme fer, Cécile Baudin, Éditions Les Presses de la Cité

Août 31, 2025 #Les Presses de la Cité

Santa Maria del Cedro, Calabre, 1901. Le rabbin Joseph Shilli est client depuis quinze ans de Francesco Pellegrini, un cultivateur de cédrats. Les fruits sont expédiés un peu partout dans le monde pour la fête de Soukkot afin de préserver les Juifs des vents mauvais. Grâce à leur qualité ils sont vendus vingt fois le prix d’un cédrat ordinaire. C’est Nando Russo un jeune salarié qui les sélectionne. Mais il va fuir l’exploitation parce que son père Socrate, le chef local de la ‘Ndrangheta la mafia calabraise, vient d’en prendre le contrôle en tuant Francesco et sa femme. La vieille était un peu sorcière, elle a annoncé que le fils tuerait le père. Craignant pour sa vie, Nando quitte la région sans sa femme Antoinette. Il fuit vers une mine lorraine, un coin suffisamment éloigné pour le protéger de son père. Nando voyage à pied jusqu’à Modane, où il est pris en charge par un rabatteur qui l’envoie dans le Nord contre la moitié de ses deux premiers mois de salaire. Pour éviter d’être pisté, il change d’identité et devient Fernando Greco natif de Rome. L’exode prend fin dans le pays du fer du côté de Villerupt, à proximité du Luxembourg et de l’Allemagne. On le débarque dans un baraquement infâme où les paillasses sont pleines de puces et de poux, ce qui oblige les hommes à s’enrouler dans une couverture pour s’en protéger. Ils sont toujours deux à s’y succéder.

Chaque chef d’équipe doit acheter lui-même le bois qu’il utilise pour étayer les galeries

Pour travailler les tâcherons doivent trouver un « mineur », un chef d’équipe qui sélectionne les veines dans la mine, étaie pour éviter les éboulements, place les explosifs, et remonte le minerai. Ses aides toucheront un salaire quand il l’aura vendu. Pour Nando ce sera le « Caporal », sans doute le meilleur mais un homme qui n’aime pas les Italiens. Tout a été pensé pour minimiser les revenus de ceux qui descendent au fond. Les compagnies ont installé un économat à côté du baraquement où chaque achat est défalqué du salaire. Malheur à celui qui grisé par le crédit dépense plus que de raison. C’est lui qui devra de l’argent à son employeur au moment de la paye. Pour augmenter encore les profits, on minimise le poids du minerai ramené à la surface. Et chaque chef d’équipe doit acheter lui-même le bois qu’il utilise pour étayer les galeries. Parce que le métier de mineur est dangereux, la solidarité s’impose partout. Quand l’un d’entre eux n’est pas remonté, tous redescendent aussi longtemps que nécessaire pour le retrouver. Des caisses de solidarité ont été mises en place pour subvenir aux besoins des malades, elles sont alimentées par un prélèvement de 2 % sur les salaires. Suite à la multiplication des accidents un hôpital a été créé. Mais les patrons ne font rien pour assainir les eaux usées, qui provoquent des épidémies de typhoïde. À la suite d’une agression, Nando quitte la mine d’Hussigny et migre aux aciéries de Longwy. Ici commence le monde des hauts-fourneaux, du fer en fusion, un monde ouvrier encore majoritairement français où les Italiens sont aussi mal vus que dans les mines. Nando n’y survit pas longtemps.

Les Italiens n’étaient pas les derniers à adhérer aux syndicats « rouges »

Commence alors l’enquête sur les circonstances du décès, l’intrigue étant soigneusement mixée avec une description très documentée de l’histoire des mines et de l’acier. Cécile Baudin met en avant le racisme dont étaient victimes les Transalpins, qui étaient souvent rejetés par le prolétariat français et adoubés par les patrons. Non par bonté d’âme, mais parce que les propriétaires avaient besoin de cette main-d’œuvre corvéable à merci. L’arrivée progressive des Polonais avant la Première Guerre mondiale a été pour les employeurs un moyen de protéger leurs profits. Car les Italiens n’étaient pas les derniers à adhérer aux syndicats « rouges » que peinaient à contenir les syndicats « jaunes » même avec le soutien de la troupe. Au point qu’en 1905, les maîtres de forge avaient bien cru que l’embrasement des vallées du fer allaient emporter les aciéries. Comme La Constance de la Louve, Dur comme le fer est avant tout un roman construit autour de personnages attachants Nando bien sûr et beaucoup d’autres français et italiens qu’il a croisés entre les mines et les usines sidérurgiques. C’est un récit qu’on a hâte de retrouver, ce qui n’arrive pas si souvent.

Grévistes faisant le tour de Saulnes (Meurthe-et-Moselle) lors des grèves dans le bassin minier de Longwy en 1905. Drapeaux rouge en tête et fanfare jouant l' »Internationale »

Qu’en dit Bibliosurf ?
https://www.bibliosurf.com/Dur-comme-fer.html

Vous pourriez aussi apprécier

Abonnez-vous pour être averti des nouvelles chroniques !

One thought on “Dur comme fer, Cécile Baudin, Éditions Les Presses de la Cité”
  1. Un grand merci cher Laurent ! Trois d un coup, c est formidable ! ☺️🙏 J ai essayé de faire en sorte que ces trois histoires soient différentes, tantôt plus romanesques, plus historiques ou plus sombres, toujours énigmatiques et comme vous l avez si bien dit, organisées autour des personnages, car ce sont eux, les vrais mystères… leur force, et leur vulnérabilité à la fois, leur statut de victime ou de coupables, parfois confondus, leur rôle dans la grande histoire, et ces régions magnifiques, théâtres de tant de drames…
    En tout cas mille mercis de votre soutien. N hésitez pas à m écrire sur « cecile.baudin.romans@gmail.com », que je vous tienne informé des prochaines sorties !!!
    Au plaisir !!!
    Cecile Baudin

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *