La maison de campagne. C’était là où Gino passait l’été avec son frère et sa mère. Son père les rejoignait pendant les quinze jours qui étaient les plus beaux. Ils allaient à la pêche aux écrevisses, ils l’écoutaient raconter ses histoires de boulot. Dans ces années cinquante les logements se faisant rares, leur appartement parisien n’avait qu’une chambre qui était celle des deux frères. Les parents qui dormaient dans la salle à manger avaient trouvé cette maison du côté d’Orléans. L’exode rural ayant fait baisser les prix, chacun y avait sa pièce. C’est à côté qu’il l’avait rencontrée derrière une boule à neige, entourée d’odeurs de gaufres, de saucisses, et de notes d’accordéon. Puis elle disparut, Gino avait huit ans. Son père était arrivé en France dans les années trente pour fuir le fascisme. Il participait désormais à la construction du téléphérique de l’Aiguille du Midi, le plus haut du monde. Cela le rendait fier, et heureux de s’être rapproché de son pays d’origine. Un jour il avait rapporté à Paris une photo dédicacée de Raymond Kopa, qu’il était allé voir jouer en Suisse pendant la Coupe du monde de football. Dès lors elle le remplaçait à table quand il était absent. C’est en repartant vers les Alpes que sa camionnette « Cinzano » fut percutée par un véhicule qui le tua. La vie reprit son cours, Gino était distrait mais apprécié des professeurs, son frère avait de bonnes notes. Leur mère cherchait du travail, la photo de Kopa était toujours là, la Vieille tante passait les voir tous les jours. Et puis leur mère annonça qu’ils allaient déménager à la campagne pour recommencer quelque chose tous les trois.
Comment s’identifier à ces progrès quand on habite un coin perdu du Loiret ?
C’est un roman mélancolique, apaisant, que nous propose Gilles Marchand. C’est l’histoire d’un jeune garçon que les hasards de la vie envoient dans un village anonyme près d’Orléans, et que nous allons suivre des années soixante au début du XXIe siècle. Gino n’a pas de dons particuliers, ni avec les filles ni pour les études, et ça ne le gêne pas. Gino se passionne pour Roxane qu’il ne verra que pendant quelques vacances, et pour la modernité qui déboule dans la France des Trente Glorieuses. L’électroménager, la télévision, le phonographe, la musique qui va avec qu’il découvre avec la Vieille tante : les Beatles, The House of Rising Sun, les Kinks. Et surtout la conquête spatiale de Youri Gagarine aux premiers pas de Neil Armstrong sur la lune. Mais comment s’identifier à ces progrès quand on habite un coin perdu du Loiret ? En vouant son existence à l’Aérotrain, ce véhicule sur coussin d’air imaginé par l’ingénieur Bertin, qui se déplaçait à 400 kilomètres-heure. C’était d’autant plus facile que les dix-huit kilomètres de la voie d’essai allaient être construits entre Paris et Orléans. Le récit de Gilles Marchand déborde d’empathie pour ses personnages, il est lent et plein d’humour. Gino imagine ainsi qu’à peine avoir enfilé son maillot de bain à Orléans, il serait arrivé à Arcachon. Et s’il avait oublié sa serviette ça ne serait pas grave, il ferait l’aller-retour fissa.
Qu’en dit Bibliosurf ?
https://www.bibliosurf.com/Les-Promesses-orphelines.html
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