Elle les connaît, elle voudrait hurler, elle tente de s’enfuir. En vain. Olivier de la Fère alias Athos la domine de toute sa hauteur, il a sur lui un poignard. Le plus jeune vingt ans à peine, s’appelle d’Artagnan, il porte un pistolet. Tous les deux l’ont aimée. Ils ne sont pas venus l’assassiner, ils vont l’emmener et la juger. Isaac alias Portos le colosse, Henri autrement appelé Aramis dont les manières cachent un ennemi redoutable, et l’Anglais Percy de Winter les ont accompagnés. Celle qui s’appelle selon les circonstances Charlotte Backson, Anne de Breuil ou Milady de Winter, est d’une beauté à pleurer. Elle sait que son chemin se termine et qu’elle aura droit à la mort. À son procès d’Artagnan accuse Milady d’avoir tué sa compagne Constance, d’avoir tenté de l’empoisonner, d’avoir ainsi fait mourir un malheureux à sa place, avant de le pousser à tuer son ancien amant. Percy de Winter jure que cette femme a fait assassiner le duc de Buckingham. Et que son frère qui avait fait d’elle son épouse et héritière est mort en trois heures d’une étrange maladie. Athos déclare avoir épousé Milady avant de découvrir qu’elle avait été marquée du sceau de l’infamie. D’Artagnan demande la peine de mort. Percy de Winter, Portos, Aramis font de même. Alors Athos lui annonce qu’elle va mourir. C’en est fini pour cette femme de vingt-cinq ans, qui a par le passé été condamnée sans procès à porter une fleur de lys sur l’épaule. Cette mère d’un petit garçon, qui une fois encore n’a pas été défendue par un avocat, va être décapitée.
Milady n’a plus de propension « écœurante » pour la luxure
Vous croyiez la connaître et vous vous trompiez. Non Milady de Winter n’était pas cette traîtresse, cette empoisonneuse, cette vipère lubrique que Dumas nous a offerte dans ses Trois mousquetaires. C’est ce que nous raconte Adélaïde de Clermont-Tonnerre, une romancière et journaliste originaire de Loches, qui aime à rappeler que sa commune doit sa notoriété à Mme Bellepaire une abonnée historique des Grosses Têtes. Pourtant l’autrice tourangelle avait à douze ans adhéré au récit de Dumas. Mais c’était à Constance Bonacieux qu’elle s’était identifiée. C’était d’Athos dont elle était amoureuse. Et puis avec le temps elle a changé de regard sur l’héroïne qui ensorcela d’Artagnan. C’est pourquoi la romancière nous propose une nouvelle version de ce livre où l’on retrouve avec un immense plaisir les personnages qui ont illuminé nos premières lectures. Désormais Milady n’a plus de propension « écœurante » pour la luxure. Ce n’est plus elle qui détourne le père Sanson de l’Église. Et pour cause quand il l’enlève du couvent, il a trente ans et elle treize ou quatorze. C’est lui qui lui impose son « parfum douceâtre de fluide huileux et d’urine ». Elle ne méritait en rien la fleur de lys qu’un bourreau incrusta sur son épaule dans une odeur de chair grillée. Le reste est à l’avenant avec des hommes qui consomment autant qu’ils veulent les corps féminins sans imaginer la réciproque. Même les personnages honnis ont droit à une nouvelle présentation. Le comte de Rochefort, l’homme de Richelieu qui passe son temps à s’opposer à d’Artagnan, devient attirant. Alors relisez autant que vous le souhaitez l’œuvre de Dumas, ses romans, ses livres de cuisine s’ils vous font envie. Mais n’oubliez pas de faire une place dans votre pile à lire (pal) à la version de celle qui aura peut-être prochainement le prix Renaudot. Vous ne serez pas déçus.
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