Surbooké

Le blog de Laurent Bisault

Footboys, Mathieu Tulissi Gabard, Éditions Gallimard

Oct 20, 2025 #Gallimard

C’est un « roman » d’une grande violence que ce Footboys de Mathieu Tulissi Gabard. Un livre dont le bandeau indique « Le quotidien souvent brutal de jeunes aspirants footballeurs ». C’est ce qu’a connu l’auteur qui fut très jeune coupé de sa famille et de son entourage en intégrant à quinze ans une structure censée l’emmener au plus haut niveau de son sport. Et il avait du talent Mathieu qui à douze ans avait été repéré par le club de Saint-Étienne. Suffisamment pour résister à Hatem Ben Arfa, un des plus fins dribbleurs de l’histoire du foot français, que les dirigeants stéphanois avaient mis sur le terrain pour l’étalonner. Non ce n’est pas son niveau footballistique qui l’empêcha d’accéder au professionnalisme. C’est sa conception du foot et sa personnalité qui ne collaient pas avec les usines à champions que sont les centres de formation. Mathieu Tulissi Gabard aimait jouer, comme il l’avait toujours fait dans son club de Garches (Hauts-de-Seine) puis au FC Versailles, sous la direction d’un homme plus éducateur qu’entraîneur. Mathieu Tulissi Gabard n’était pas non plus taillé pour une discipline militaire. Il était ainsi le seul qui arrivait le matin au lycée avec un journal. De tout cela le club de Montpellier se moquait. Il l’avait fait signer cinq années, et il s’agissait de rentabiliser cet investissement. Peu importait les 80 % de « déchets » habituellement constatés dans les centres de formation. Ce qu’il fallait c’était sortir quelques joueurs pour alimenter l’équipe première. Pour y parvenir une seule méthode : mettre perpétuellement en concurrence les apprentis footballeurs. Sur les terrains, dans les hébergements, dans les transports qui permettaient aux ados de rentrer chez eux. Peu importait que l’hébergement poussât à la découverte de la sexualité par des branlettes collectives et des quasi-tournantes. À la fin les meilleurs devaient émerger.

Rémi allait au collège où il n’était pas perçu comme un élève normal

Quand Mathieu quitta parents et proches pour le centre de formation de Montpellier, il se retrouva dans une chambre de deux. L’autre s’appelait Rémi et c’est le club qui avait choisi de les apparier. Ils côtoyaient une quarantaine d’adolescents soumis comme eux à un monde fait de footings, d’abdos, de gainages, d’entraînements avec ballon, de footings, d’abdos, de gainages, d’entraînements avec ballons. Rémi avait déjà passé deux années au centre de préformation de Vichy. Il y était entré à treize ans, pas même ado. Il se retrouva au Creps avec les deuxièmes années qui leur mettaient des tartes dans la gueule, de quoi être toujours sur la défensive, toujours en stress. Rémi allait au collège où il n’était pas perçu comme un élève normal. Rémi était un « Creps », ce qui l’amenait à se souder aux autres apprentis sportifs. En deuxième année, il bizuta ceux qui venaient de rentrer, il tapa un peu trop fort et cassa un poignet. Rémi n’eut pas son brevet, alors qu’en sixième il avait de bonnes notes et suivait même des cours de latin. Saoulé de foot, il ne progressa pas non plus dans son sport. Il eut souvent envie d’arrêter, et ne s’accrocha que parce que son père lui serinait qu’il avait trop de chance. Son aventure se termina par une dépression qu’il mit longtemps à soigner.

Ils furent encore là quand il s’est agi de lui faire reprendre ses études

La chance de Mathieu Tulissi Gabard a été que ses parents demeurèrent lucides pendant sa brève carrière. Suffisamment pour refuser de le laisser partir à douze ans à Saint-Étienne. Douze ans c’était bien trop jeune. Suffisamment pour accepter qu’il quitte le centre de formation de Montpellier à seize ans, quand Mathieu comprit que cette voie ne lui convenait pas. Ils furent encore là quand il s’était agi de lui faire reprendre ses études au lycée public de Saint-Cloud (Hauts-de-Seine). On le refusa en section ES alors qu’il avait toujours été bon élève. Mais ils obtinrent de l’inscrire en section littéraire. Mathieu s’en est sorti, en témoigne ce roman construit avec une écriture singulière, qui tient beaucoup de l’oral, et qui est sacrément efficace. Après avoir abandonné le foot, qui l’avait occupé dix ans de sa vie, il s’est longtemps demandé s’il avait pris la bonne décision. La réponse est désormais facile à trouver.

Qu’en dit Bibliosurf ?
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