Nonobstant son titre ce livre n’est pas un bouquin de recettes. Certes vous en trouverez quelques-unes comme celles des pâtes à la carbonara. Tommaso Melilli partagera aussi avec vous son amour pour cette autre spécialité romaine, les spaghettis cacio e pepe, qu’il pourrait manger plusieurs fois par jour. Mais c’est surtout pour avouer qu’il n’a jamais maîtrisé ce plat fait de pecorino romano et de poivre. Parce que la cuisson de ce fromage, bizarrement quasi intégralement produit en Sardaigne, est délicate. Ça file le pecorino y compris quand on le surveille comme le lait sur le feu. L’écume des pâtes c’est autre chose. C’est la quête de la cuisine italienne. C’est la recherche de ses origines ancrées dans les familles. C’est la compréhension de son adaptation aux restaurants. Pour y parvenir le cuisiner-écrivain a multiplié les stages dans les osterias et trattorias italiennes. Et de tous ses périples du Nord au Sud de la botte Melilli en a déduit que contrairement à la cuisine gastronomique française largement codifiée depuis des siècles, celle des restaurants italiens n’existe pas. Parce qu’en Italie on mange la même chose au restau qu’à la maison. D’ailleurs les trattorias sont en Italie une invention récente. Elles datent des années soixante, quand les Italiens ont eu assez d’argent pour aller au restaurant. Cela ne veut pas pour autant dire que les restaurateurs transalpins cuisinent comme à la maison. Un de ceux que Melilli a fréquenté à Milan fait ainsi cuire son vitello tonnelo, son veau au thon, pendant dix heures à basse température pour le garder rose et tendre. À en croire Melilli ce plat était délicieux. Mais cela ne le fera pas changer d’avis : bien qu’il affirme que les pâtes sont un des plats les plus monotones au monde, elles lui procurent comme aux autres Italiens un plaisir éternel. Alors qu’il le sache : nous aussi on en veut !
C’était une cuisine qui lui permettait de faire partie d’une équipe, quelque part dans le XXe arrondissement au sein de son petit bistrot
Le récit de Tommaso Melilli débute par une partie de foot d’une compétition bien spéciale : La ligue des Champignons. Le tournoi des cuisiniers parisiens. Parmi les participants il y a l’équipe française issue des brigades d’Yves Camdeborde. Les Grecs du Kalamata Football Club dont le nom rend hommage aux plus belles olives de leur pays. Et les ritals qui s’arrêteront en demi-finale, tous des cuisiniers ayant émigré à Paris et qui portent fièrement sur leur maillot les quatre étoiles des quatre coupes du monde remportées par leur pays. Si on se réfère aux performances culinaires, le joueur le plus côté de l’équipe est Giovanni Passerini. Il est connu pour son pigeon servi presque cru quoi qu’en disent certains clients. Question célébrité Tommaso Melilli ne lui arrive pas à la cheville. Il est parti depuis bien longtemps de son petit village de la plaine du Pô, quelque part du côté de Crémone en Lombardie. Il pensait étudier les lettres à Paris, et le fit jusqu’à ce qu’il comprenne que le métier de cuisiner était ce qui lui correspondait le mieux. Pas pour réitérer ce qu’il avait connu dans son village, une cuisine pratiquée dans une maison aux murs épais avec des produits du jardin. À Paris il s’agissait forcément de plats adaptés à de rares mètres carrés. Il la déclinait dans un air étouffant, avec des légumes insipides et hors de prix. Mais c’était une cuisine qui lui permettait de faire partie d’une équipe, quelque part dans le XXe arrondissement au sein de son petit bistrot. Melilli avait connu Giovanni Passerini quand ce cuisinier italien l’avait embauché. C’est là que Melilli a appris les fonds sauce, un truc de fou qui part d’une casserole de dix litres pour aboutir à un bol du précieux liquide. Il faut dire que chez Passerini la cuisine va bien au-delà des simples pâtes. Certes on en sert comme primo piatto, mais après place à l’inventivité. Quand ça lui chante le cuistot peut préparer au dernier moment une selle de chevreuil servie avec un jus de la bête, un risotto, un peu de radicchio que l’on appelle aussi trévise, des truffes, et en accompagnement des brocolis ou du fenouil gratinés.
Le guanciale est un délice pour les clients et une vraie saloperie pour le cuistot maladroit qui se retrouve rapidement couvert de gras
Parce que son livre est sous-titré « À la recherche de la vraie cuisine italienne » Melilli a fait des stages pendant ses brefs retours dans sa famille. On le retrouve ainsi dans une osteria d’Isola Dovarese où il croise un Japonais qui parcourt la botte pour se former avant de repartir dans son pays et d’ouvrir un restaurant italien. Tommaso Melilli fait le tour des fournisseurs avec le patron de l’osteria. Il découvre un des derniers producteurs du saucisson de Crémone qui utilise toutes les parties du cochon, et pas uniquement celles qu’on jette. Ce n’est pas pour autant que le patron est resté accroché aux pratiques culinaires du passé. Il utilise notamment la cuisson sous vide qui lui apporte bien des facilités pour la viande. La tournée des restaus se poursuit à Rome où Melilli tente de maîtriser la découpe du guanciale, la joue de porc, ingrédient indispensable de la cuisine du Latium, pour la carbonara ou l’amatriciana. Le guanciale est un délice pour les clients et une vraie saloperie pour le cuistot maladroit qui se retrouve rapidement couvert de gras. Ce qui est certain c’est que Melilli lui préfère de beaucoup la viande de poule bouillie puis effilochée, et servie avec un œuf battu et du parmesan. Un plat simple qu’il déguste avec la patronne du restaurant. Dans les montagnes qui bordent la frontière française, Melilli découvre le foin dans la cuisine locale, dans la panna-cotta et dans les glaces. Le restaurateur qui l’accueille lui fait remarquer qu’il n’a pas partout le même goût. Il cuisine les pommes de terre, l’aliment le plus facile à cultiver, pour produire le tuma, patate e aïoli. Le tuma est le fromage local dont les versions au lait cru tendent à disparaître. Ici la cuisine s’appuie sur la ressource locale et il paraît logique d’utiliser l’intégralité des animaux tués pour mieux les respecter. Et de faire de la viande un simple accompagnement.
Le tuma ne serait-il pas le cousin transalpin de la tomme ? J’ai très envie de tenter les cacio e pepe, en amateur de poivre que je suis.
Un bouquin appétissant ! Ce sera ma lecture sinon du mois d’août, au moins de sa première semaine.
Possible pour la tuma qui est un fromage de montagne. Pour les spaghettis cacio e pepe tu peux regarder la vidéo d’un cuisinier italien un peu excité mais sympa : https://www.instagram.com/tv/B_hk6RtoOSA/?hl=fr
J’ai regardé quelques vidéos de la préparation des cacio e pepe. S’il y a en commun des principes généraux de préparation, et un enthousiasme excité des italiens pour leur patrimoine gastronomique, il y a certainement autant de manières de faire que d’italiens. J’ai raté mes premiers essais avec brio. Mais on s’en fout. Le principal étant que je me sois (enfin) procuré un exemplaire de l’écume des pâtes.
Je rate moi-même à chaque fois les spaghettis alla carbonara avec pour seule excuse que le guanciale est difficile à trouver. Pourtant je m’en suis tartiné des vidéos …
Pour les spaghettis cacio e pepe tu peux regarder la vidéo d’un cuisinier italien un peu excité mais très sympa :
https://www.instagram.com/tv/B_hk6RtoOSA/?hl=fr