Surbooké

Le blog de Laurent Bisault

Donbass, Benoît Vitkine, Éditions Les Arènes

Mar 3, 2022 #Les Arènes

C’est d’abord un roman noir très réussi. C’est aussi un document sur le Donbass, ce territoire que se disputent Ukrainiens et Russes. Rien d’étonnant à cela car Benoît Vitkine est non seulement le correspondant du Monde à Moscou, mais aussi le journaliste qui a obtenu en 2019 le prix Albert Londres pour ses enquêtes sur la guerre dans la région. On en ressort convaincu que ce conflit qui dure depuis 2004, un conflit inhumain, meurtrier, interminable, un conflit exhibé par Poutine pour justifier l’envahissement de l’Ukraine, n’est pas qu’un conflit ethnique. Car Ukrainiens, Russes ainsi que d’autres peuples ont longtemps vécu ensemble au Donbass. Il en allait ainsi quand tous ceux que l’Union soviétique envoyait dans ce cœur industriel du pays passaient dans la grande broyeuse des nationalités. Ils étaient d’abord mineurs, comme l’était Alekseï Grigorievitch Stakhanov, dont les capacités d’extraction du charbon avaient abondamment été mises en avant par la propagande stalinienne.

Alors certains se sont tournés vers Moscou espérant retrouver la grandeur passée

C’est après l’éclatement de l’URSS que tout a commencé. Quand l’économie de la région s’est retrouvée à terre, les mineurs perdant leur travail et les ouvriers devenant des variables d’ajustement de la mondialisation. Les oligarques locaux ont ramassé la mise et se sont servis sur le charbon comme d’autres l’ont fait ailleurs avec les richesses pétrolières et gazières. Alors certains se sont tournés vers Moscou espérant retrouver la grandeur passée, rejetant la corruption locale et la révolution proeuropéenne qui s’était déroulée à Kiev en 2014. Ils se sont engagés comme d’autres Européens l’ont fait en partant faire le Djihad. Ils ont choisi de faire la guerre à ceux qui voulaient demeurer Ukrainiens. Le pays s’est embrasé, l’incendie mortifère étant abondamment alimenté par les mafieux et les pervers de tout type. Et Moscou a fait le nécessaire pour que ça ne s’arrête pas.

Des cadavres il en a vu depuis le début de la guerre

Avdiïvka est une bourgade du Donbass convoitée par les séparatistes depuis le début de la guerre. Ils l’ont prise puis perdue. Quatre années après on se tire encore dessus et le front s’est stabilisé à la sortie d’Avdiïvka. Henrik Kavadze habite à huit cents mètres de la position tenue par l’armée ukrainienne. Au-delà le territoire est celui des séparatistes. Henrik est le colonel chef de la police à Avdiïvka. Il a cinquante-quatre ans dont vingt-cinq passés dans la police. Il ne souhaite pas quitter sa ville malgré le chauffage défaillant et la nourriture fournie par des associations. Il ne s’est pas soumis pendant les trois mois de 2014 pendant lesquels les séparatistes ont pris Avdiïvka. Il y a gagné l’image d’un patriote ukrainien indéfectible, lui le fils d’une Allemande et d’un Géorgien.

On l’a poignardé et ses habits ont disparu

Des cadavres il en a vu depuis le début de la guerre, et encore plus quand on l’avait envoyé en Afghanistan. Mais ce garçon de six ans retrouvé à moitié nu n’est pas comme les autres. Il n’a pas été fauché par un obus ni tué par un sniper. On l’a poignardé et ses habits ont disparu. Son identification a été facile. Il s’appelle Sacha Zourabov, et il est arrivé depuis trois semaines dans le quartier où il habitait avec sa grand-mère. Henrik Kavadze est chargé de l’enquête. À charge pour lui de faire avec la corruption locale, les pressions de sa hiérarchie, et les fantômes qu’il a ramenés des montagnes de Kaboul. Les grand-mères d’Avdiïvka le lui demandent, elles qui ont tout accepté. Perdre leur mari, voir les enfants partir ou se détruire dans la drogue. Elles l’exigent, non pas pour elles mais pour préserver le peu qui leur reste : leurs petits-enfants.

Qu’en dit Bibliosurf ?
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