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Le blog de Laurent Bisault

À la poursuite du panda, Pierre Carrey et Dan Martin, Hugo Sport

Nov 1, 2022 #Hugo Sport

C’est le portrait d’un coureur cycliste généreux, honnête, talentueux, que nous propose Pierre Carrey. Un athlète à la notoriété mitigée, au moins auprès du public français, malgré un très beau palmarès. Et c’est facile à comprendre. En France le vélo c’est avant tout Le Tour de France, éventuellement Paris-Roubaix. Or Dan Martin n’a jamais été de taille pour occuper « à la pédale » une des trois premières places de la Grande boucle. Ça n’aurait probablement pas suffi à le rendre célèbre en dehors du peloton, car qui se souvient aujourd’hui de Jean-Christophe Peraud pourtant second en 2014 ? Ce qu’il faut pour être adulé du public français c’est une victoire sur le Tour, des chevauchées dans les montagnes, ou incarner des loosers magnifiques comme Raymond Poulidor et Thibaut Pinot. Dan Martin n’était pas de ce calibre, il n’en fut pas moins un excellent coureur cycliste. Plus puncheur que grimpeur, rapide au sprint sans rivaliser avec les plus véloces du peloton, il excellait sur les courses vallonnées d’un jour et sur les épreuves d’une semaine. Il a pratiqué de 2005 à 2021 son sport avec passion et courage, toujours prêt à attaquer. Il dispose maintenant que sa carrière est achevée d’un palmarès avec lequel aucun coureur français en activité ne peut rivaliser à l’exception de Julian Alaphilippe et peut-être Pinot. À une époque où le vélo prétendait devenir scientifique, il a refusé de martyriser son corps en l’affamant comme le lui demandaient certains médecins. Mieux il ne négligeait pas les plaisirs de la table quand il le pouvait, au point d’investir une partie de ses gains dans un restaurant à Londres. Il lui est arrivé de manger chez les frères Roca à Gérone alors considérés comme les meilleurs cuisiniers au monde. Martin n’était pas comme Christopher Froome et Geraint Thomas à se précipiter sur une salade à peine arrivé sur les Champs-Élysées.

Dan Martin n’a jamais été soupçonné de dopage

Pas question pour lui de passer son temps à gravir les paysages désertiques d’un volcan aux Canaries. Il préférait organiser lui-même ses stages en famille. Impossible de sacrifier sa vie sociale comme les coureurs du Team Sky, cet Anglo-Irlandais passé par la France et l’Espagne a trouvé l’apaisement dans les montagnes d’Andorre. Ce qui distinguait aussi Dan Martin c’est qu’il n’a jamais été soupçonné de dopage, alors que le doute n’existe pas chez tant de ceux qui l’ont devancé. Alejandro Valverde dont il partageait le registre évoluait souvent un ton au-dessus. Mais l’Espagnol fut suspendu deux ans sans pour autant faire taire les doutes quand il reprit la compétition. De cela Martin ne parle pas, se contentant de dire qu’on ne l’a jamais incité à prendre des substances interdites. Il a bien dû être un des seuls dans les équipes qui l’ont employé puisque nombre de ses entraîneurs et de ses managers faisaient figure de maîtres en la matière. Mais il était comme cela Martin, prêt à affronter la douleur si présente dans son sport, avec au mieux du paracétamol à l’arrivée. Le récit qu’en fait Pierre Carrey est savoureux. Ce n’est pas une surprise pour ceux qui ont lu Giro son histoire du Tour d’Italie. À l’évidence la complicité qui le lie depuis des années avec Dan Martin lui a facilité la tâche.

Du côté de sa mère sa famille est irlandaise

Il fut poursuivi au printemps 2013 par un panda géant. En réalité par un homme déguisé en panda. C’était tout à la fin de Liège-Bastogne-Liège une course qui allait devenir une de ses deux plus grandes victoires avec le Tour de Lombardie 2014. Et sa préférée parce que cet aller-retour dans les Ardennes lui ressemblait beaucoup. Deux cent cinquante kilomètres, sept heures de vélo, avec à la fin du sang ou de la joie sur le goudron. Ce succès il l’avait ressenti avant le départ au point de l’avoir annoncé par texto à ses parents qui en avaient été surpris. Il fut d’autant plus jouissif qu’une victoire est toujours aléatoire. La meilleure preuve est qu’un an plus tard, aussi bien positionné pour gagner la « Doyenne », l’autre nom de Liège-Bastogne-Liège, Dan Martin chuta dans l’ultime virage. Sa pratique du vélo en course remonte à loin. À ses origines familiales du côté de Birmingham en Angleterre où il est né. Fils et petit-fils de coursier. Abonné dès son adolescence aux plus grands cols, Tourmalet et Alpe d’Huez où il passait ses vacances. C’est en tant qu’Anglais qu’il débuta sa carrière avec notamment une participation au championnat du monde junior en 2003. Mais du côté de sa mère sa famille est irlandaise. Son oncle Stephen Roche a gagné la même année le Tour d’Italie, le Tour de France et le championnat du monde. Et son cousin Nicolas Roche courut ce même championnat du monde junior pour l’Irlande. Son avenir allait s’écrire de ce côté car la fédération anglaise lui proposait de se spécialiser sur la piste.

Les victoires arrivèrent progressivement

Dan voulait voir le ciel, sentir le vent sur son corps en pédalant. C’est donc avec la nationalité irlandaise qu’il s’installa en 2004 à Marseille pour apprendre son métier comme beaucoup de cyclistes britanniques l’avaient fait avant lui en venant en France. La période était rude, la concurrence féroce, encore plus pour les coureurs étrangers qui risquaient à tout moment de se faire jeter. Dan Martin apprit à gagner en montagne, au Tour du Val d’Aoste et au sommet du Glandon. Il se fit remarquer et entra en 2008 dans l’équipe professionnelle de Jonathan Vaughters. La structure était américaine avec une base à Gérone en Espagne. Dan Martin bénéficia sur place des conseils de David Millar ancien champion du monde du contre-la-montre, déchu pour dopage, et réel repenti par la suite. La question était importante à cette période qui succédait aux sept Tours de France gagnés par Lance Armstrong dont il n’avait pas encore été déchu. Les victoires arrivèrent progressivement : une étape du Tour d’Espagne 2011, Tour de Catalogne, Liège-Bastogne-Liège et une étape du Tour de France en 2013, Tour de Lombardie 2014. Et plus tard un bouquet au Giro pour rentrer dans le cercle fermé de ceux qui ont triomphé sur les trois grands tours.

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