C’est un très grand roman avec de l’action, des rebondissements, des trahisons, des sentiments, la fidélité en amitié, le tout pour découvrir un pays. L’Algérie, la patrie de Yasmina Khadra, un homme qui a côtoyé la violence comme responsable de la lutte contre les Islamistes pendant la guerre civile. Mais qui incarne surtout la douceur pour avoir choisi les deux prénoms de son épouse pour patronyme. Khadra a connu la réussite avec pas mal de ses livres précédents, il devrait tutoyer le succès avec ces Vertueux tant ce roman est agréable à lire, touchant par ce qui arrive à son héros Yacine, et finalement plein d’espoir au-delà de tous les malheurs que le destin lui inflige. Les Vertueux c’est presque un demi-siècle de la vie de ce jeune berger né nulle part, car son village n’a pas de nom, et dont la particularité première est de vivre du mauvais côté. Celui de tant d’Indigènes privés de leurs droits et qui n’ont qu’à obéir. Ce n’est pas pour autant le roman du colonialisme car les Français ne sont présents qu’en arrière-plan. Ce sont eux qui fixent les règles, eux qui les font appliquer, mais c’est la rencontre du berger avec d’autres Algériens qui vont façonner son existence. L’envoyer dans les tranchées de Verdun où la République a su garder une bonne place à ses tirailleurs. Puis le priver de tous ses rêves quand il revient par miracle de l’ignoble boucherie. Un excellent prétexte dont se saisit Khadra pour nous faire découvrir les villes et leurs infâmes bidonvilles qui font regretter les solidarités des campagnes, mais aussi l’apparition d’une bourgeoisie musulmane. Il nous fait voyager sur les hauts plateaux et dans le désert algérien où on mange des plats à base de gombos des légumes africains. Une très bonne idée pour raconter les premières tentatives de révolte contre ce qui est encore considéré comme la première armée du monde. Des soulèvements lilliputiens qui vont se briser sur tous les corps intermédiaires alliés de la puissance coloniale. De tout cela Yacine saura se remettre et pardonner car l’espoir est nécessaire pour avancer.
Ce serait Yasmine qui combattrait en portant son nom
Personne au douar n’avait intérêt à se mettre à dos Gaïd Brahim. Alors quand sa mère vit Babaï un homme du caïd sur la route qui menait à leur gourbi, elle envoya un de ses jeunes enfants chercher son mari. C’est Yacine son fils aîné que Babaï était venu lui voler pour l’emmener à la Grande Kheïma. Un malheur de plus pour cette femme dont l’époux avait déjà perdu une main dans un duel. La demeure de Gaïd Brahim était un palais comme Yacine n’en avait jamais rêvé, on lui fit prendre un bain et on l’habilla de vêtements doux. Le travailleur pauvre qui s’usait aux champs n’avait plus qu’à attendre. Quand il le fit venir Gaïd Brahim lui expliqua qu’il l’avait choisi parce qu’il était un des rares garçons de son territoire qui savait lire et écrire. Et parce qu’il connaissait sa grandeur d’âme. Il y avait aussi une autre raison. Le caïd se désespérait que son fils ne puisse perpétuer la grandeur de sa famille qui s’était battue pour la France pendant la guerre de Crimée et celle de 1870. Alors comme la chair de sa chair avait été réformée à cause de sa maladie cardiaque, ce serait Yacine qui combattrait en portant son nom, celui qui porterait haut les couleurs des Boussaïd. Le caïd s’engagea à le traiter lors de son retour comme son propre fils, à lui donner des terres. C’est donc sous le patronyme de Boussaïd Hamza que Yacine se retrouva au cantonnement. La guerre ce fut d’abord pour lui le plaisir de découvrir l’Algérie qu’il ne connaissait pas et qu’il tenta de mémoriser en refusant de dormir pendant son voyage en train. Ce fut l’apocalypse quand le bateau affronta une tempête en Méditerranée alors qu’il n’avait jamais posé le pied dans une barque. Ce fut le début d’une amitié avec Sid Tami pourtant son exact opposé. Un buveur de vin, un homme qui débitait les obscénités alors que Yacine état pieux et effacé. Ce fut enfin le baptême du feu puis celui du sang au sein de son régiment de tirailleurs algériens. Et puis ils revinrent chez eux.
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