Aujourd’hui, Kurt Cobain est mort. Ce matin d’avril 1994 est pour Victor un matin ordinaire sauf que Kurt Cobain est mort. Déjà ses copains de lycée remettent en cause la thèse du suicide et parlent d’assassinat. Quand certains meurent à vingt-sept ans, la perspective du bac apparaît d’autant plus misérable. Alors autant se lâcher tout de suite, même si c’est difficile de savoir comment faire avec les filles. Surtout avec Alice. Pour célébrer leur idole décédée Victor et ses potes peignent une phrase du chanteur devant le lycée, et ils remplacent les drapeaux officiels par les leurs. Hélas ce fait d’armes de la radicalité ne survit pas à la nuit, tout est effacé le lendemain, tout a disparu devant le bahut. La punition est rude pour le petit groupe qui cultive avec application sa singularité au ciné-club comme chez le disquaire indé pour écouter les Sonic Youth et les Pixies. Leur refuge c’est leur groupe, Tom à la batterie, Victor à la guitare, Youri à la basse, qui se retrouvent dans une vieille remise au fond du jardin des parents de Tom. Ceux qui sont blindés parce qu’ils dirigent le Mammouth du coin. Quand ils ne jouent pas aux musicos, ils vont à La Taverne, le seul bar rock de la ville, celui que leurs parents ont fréquenté. Ou alors ils se retrouvent au foyer.
Pas de révolte chez ces fans de Kurt Kobain,
Vraiment émouvant ce troisième roman de Joseph d’Anvers un auteur aux talents multiples puisqu’il a aussi quatre albums au compteur et des compositions pour d’autres artistes. Un garçon ordinaire c’est le récit forcément autobiographique des derniers mois de lycée dans une petite ville qui n’est jamais nommée. Le bac est en vue pour Victor et ses copains, c’est le sésame qui les fera passer dans la vie d’adulte tant souhaitée. Ce n’est pas pour autant qu’ils sont pressés d’y parvenir, car cette fin d’adolescence entre potes et les premiers amours a aussi son charme. Pas de révolte chez ces fans de Kurt Kobain, pas vraiment de tensions avec les parents qui leur mettent la pression pour obtenir ce foutu diplôme. Même le demi-course payé en lieu et place de la 103 pour aller au lycée est passé crème. ll y a certes Youri qui se fout du bac, préfère jouer de la basse, brancher les filles, et rouler à moto. Mais Youri n’est pas comme eux, c’est un peu leur grand frère. Il y a aussi Karim qui vient d’un autre monde, celui des HLM construits à la va-vite au début des années soixante-dix, quand les pères pensaient offrir une vie meilleure à leur famille. Karim a vite compris qu’il ne pourrait s’en sortir qu’avec son diplôme puisqu’il traîne déjà le handicap réservé à ceux qui viennent d’ailleurs. Alors ils bossent un peu, boivent des bières, profitent de la musique enregistrée sur des cassettes BASF chrome, et des Black Sessions diffusées sur France Inter. Et Victor dix-sept ans rêve des lèvres d’Alice dont les parents ont eu la bonne idée de déménager, et d’inscrire leur fille en milieu d’année dans son lycée.
La Black Session de Lloyd Cole enregistrée le 09/11/1993
https://blacksession.fr/bsnum.php?id=276
Qu’en dit Bibliosurf ?
https://www.bibliosurf.com/Un-garcon-ordinaire.html#recherche
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