Pont de Bondy sept heures trente, rampe d’accès à l’autoroute A3. Mo aperçoit le camp de gitans, un bidonville entouré de palissades fait de caravanes et de carcasses de voitures défoncées. Sa mère l’a fait partir de son quartier du Carré à sept heures parce qu’hier il y a eu des coups de feu et qu’elle est persuadée qu’il ne se passe jamais rien avant sept heures. Mo est en avance pour le lycée. À six heures quarante-cinq Paul se réveille dans le XIIIe arrondissement, il est presque déjà en retard. Paul est écrivain, poète, il se rend pour la première fois au lycée de Bondy pour animer un atelier d’écriture. Sept heures quarante Candice arrive en vélo à Bondy par la piste cyclable. Elle n’a jamais voulu être prof, mais c’est son métier et elle a donné rendez-vous à Paul là où elle fait cours. Sept heures cinquante Lucky ramasse des clopes sous l’autoroute. Il en demande une à un grand mec musclé qui en retour écrase la sienne au sol. Mahdi traîne sous le pont avant d’aller au lycée, il intervient et insulte celui qui aurait pu donner sa cigarette. L’autre est trop costaud pour le lycéen, il frappe trop fort, Mahdi reçoit une correction. À huit heures le grand mec monte dans un bus, Mo parvient à photographier la carte avec laquelle il valide son voyage. L’image est nette, elle part immédiatement sur Snap, c’est un flic.
Les profs du lycée semblent être les derniers à croire encore un peu à l’avenir des jeunes
Au risque de se répéter il n’y a rien de mieux qu’un roman noir pour comprendre la société dans laquelle nous vivons. Celui de Thomas B. Reverdy nous emmène pour une demi-journée autour du lycée de Bondy. C’est-à-dire pour ceux qui l’ignoreraient dans un établissement scolaire du département le plus pauvre de la France métropolitaine. À Bondy s’il était possible de quantifier la réussite des habitants en excluant Kylian Mbappé et quelques autres footballeurs du même acabit, alors elle ne serait pas l’une des plus élevées. Parce que tout semble avoir été fait pour s’opposer à ce que ceux qui vivent sur place en bavent. Thomas Reverdy insiste beaucoup sur l’urbanisme de la cité. Sur ce monstrueux carrefour à proximité duquel se déroule son roman. Sur les immeubles dont le quatrième étage tutoie l’autoroute. À Bondy les profs du lycée semblent être les derniers à croire encore un peu à l’avenir des jeunes. Leur cadre professionnel n’a pourtant rien à voir avec celui des quartiers huppés. Déjà un prof ça ne gagne rien ce qui n’aide pas à se motiver. Ça se prend parfois des baffes de la part de parents. Et que dire des conditions de travail dans le 9-3 que Thomas Reverdy a connues en enseignant à Saint-Denis. Les préfabriqués qui devaient être provisoires et qui durent malgré les infiltrations les jours de pluie. La machine à café dont les expressos ont un goût d’endive cuite. La photocopieuse qui rend l’âme et laisse les enseignants désemparés parce que les élèves n’ont plus de manuels. Décision du conseil régional qui préfère subventionner en compensation les portails numériques de quelques grands éditeurs. Et qui a payé des ordinateurs portables, fragiles, à l’autonomie limitée, aux élèves de seconde qui ne les utilisent pas. Dans l’académie de Créteil dont fait partie la Seine-Saint-Denis l’Éducation nationale c’est l’histoire de la trahison de la gauche. Alors quand un incident intervient à proximité d’un lycée, tout peut s’embraser.
Qu’en dit Bibliosurf ?
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