Surbooké

Le blog de Laurent Bisault

Le Tigre, John Vaillant, Éditions Libretto

Jan 1, 2016 #Libretto

Osez ! Si vous ne lisiez qu’un livre cette année alors lisez celui-là. Et relisez-le l’année d’après. Il y a tout dans ce bouquin. Le Tigre est d’abord un fabuleux roman d’aventures qui se déroule aux confins de la Russie. Quasiment à la frontière de la Chine et de la Corée du Nord, un peu au-dessus de Vladivostok. Dans le pays de Dersou Ouzala, le personnage de Kurosawa. Nous sommes dans le Primorié, une région dont le climat terrifiant voit l’été tropical succéder à un hiver glacial. C’est d’ailleurs pour cela que le génial Staline y avait réservé à proximité un territoire pour les Juifs soviétiques : le Birobijan. Dans cet Extrême-Orient russe, un tigre de l’Amour a dévoré un chasseur. L’évènement est d’importance car l’usage veut que l’on respecte l’animal pour en être épargné. C’est du moins ce que croient les peuples autochtones. Le tigre local est un monstre pouvant dépasser les trois cents kilos. Un monstre que rien n’effraie, puisqu’il peut dompter des ours deux fois plus lourds que lui. Un monstre qui a appris à vivre en solitaire en régnant sur son territoire. Le tigre ne s’attaquerait à l’homme que si on lui nuit, par exemple en lui volant son gibier. Malheur alors à celui qui sera pourchassé sans fin par le fauve. C’est ce qui semble s’être déroulé pendant cet hiver 1997 quand Vladimir Markov est retrouvé dévoré, démembré, en pièces détachées dans la taïga. Pire encore, le tigre ne semble pas s’être caché avant d’attaquer. Il a attendu sa proie devant sa cabane après l’avoir mise en pièces, déchirant le matelas et explosant la vaisselle. Il a d’ailleurs préalablement traqué sa proie jusque dans un camp de bûcherons. Markov connaissait pourtant les risques à transgresser les règles non-écrites de la taïga. Il était connu et apprécié dans la région, réputé pour son humour typique de la période : celle de la chute de l’Union soviétique. Un moment où il se plaisait à répandre des plaisanteries du genre : « Pourquoi notre gouvernement semble-t-il si peu pressé d’envoyer nos hommes sur la lune ? Parce qu’ils pourraient refuser de rentrer au bercail. ». Mais quand les emplois disparaissent, quand l’exploitation forestière s’intensifie, sans parler des Chinois prêts à acheter des tigres morts en espérant dérober leur virilité, alors prend fin le fragile équilibre du territoire. Les villageois retournent dans la forêt pour piéger la zibeline ou tuer des sangliers. Au risque de menacer la survie des derniers tigres. La traque du fauve commence alors, menée par l’équipe de Iouri Trouch. Ils n’ont pourtant que peu de moyens : quelques carabines, un camion militaire, des chiens de chasse et leur expérience de soldats soviétiques. Car si le tigre de l’Amour est plus que jamais une espèce protégée, la population du Primorié n’ose plus sortir quand elle apprend que le tigre de Markov a récidivé. Le roman est ainsi le portrait d’une société qui se délite, obligée de courir à sa perte pour survivre. Et une magnifique description de la vie animale.

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