1486, Murano, l’île située au nord de Venise. Deux cents ans plus tôt le doge de La Sérénissime y a envoyé les verriers pour éviter les incendies dans la cité surpeuplée. La république vénitienne règne alors en maître sur le commerce dans une grande partie du monde. Orsola Rosso est une gamine d’une famille de modestes verriers. Chez eux comme partout à Murano l’activité est réservée aux hommes. Pourtant Orsola s’y intéresse et se faufile dans un atelier concurrent pour comprendre comment la pratiquer. À la mort de son père elle saisit l’opportunité d’apprendre le métier aux côtés d’une femme. En fabriquant des perles avec une lampe et non dans un four, elle veut contribuer à sauver l’entreprise familiale mise à mal par son frère aîné Marco qui qualifie les créations de sa sœur de « escrementi di coniglio ». C’est-à-dire de crottes de lapin. Orsola souhaite faire vivre les siens pour qui chaque dépense amène son lit de questions. Il lui faudra beaucoup d’énergie pour se faire une place dans la micro-société des verriers qui est non seulement masculine mais aussi très hiérarchisée. Ce qui ne la déchargera pas des tâches dévolues aux femmes : laver le linge, le faire sécher, nettoyer la maison, acheter des sardines et de la polenta quand la bourse familiale est vide, un peu de viande quand les jours s’annoncent meilleurs, s’occuper des enfants. Et pas question non plus pour elle de choisir son mari.
Le temps défile, la peste décime un tiers de la population
Épatant ce roman qui nous fait voyager dans le temps à Venise de la fin du Moyen Âge à aujourd’hui en suivant Orsola Rosso. L’astuce de Tracy Chevalier consiste à la faire vieillir avec un arrière-plan historique qui défile à grande vitesse. Ça pourrait être déstabilisant mais ça ne l’est pas et ça enrichit le récit. On découvre l’évolution de l’activité verrière de Murano qui est d’abord vendue par les marchands allemands de Venise. Le commerce de la Sérénissime est alors exempt de taxes et les créations muranaises partent à Vienne, Prague, Paris, Londres, Lisbonne, mais aussi à Bakou, Boston et Lima. La richesse des négociants s’affiche dans le Fondaco dei Tedeschi qui est encore aujourd’hui un des plus beaux bâtiments de Venise. Le temps défile, la peste décime un tiers de la population, Giacomo Casanova séduit autant de femmes qu’il accumule les dettes, Napoléon cède la ville aux Autrichiens. Le commerce est désormais taxé et les verriers doivent s’adapter à l’arrivée du chemin de fer qui relie Venise à la terraferma et amène les touristes. Rien n’est jamais facile mais les femmes de Murano sont indomptables.
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https://www.bibliosurf.com/La-fileuse-de-verre.html
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