Roman, essai, récit historique, satyre ? Difficile de classer Les derniers jours du Parti socialiste d’Aurélien Bellanger dont on peut au moins dire que sa sortie a suscité de nombreuses réactions, favorables ou outragées. Mais quand simultanément Laurent Joffrin, Raphaël Enthoven et Éric Naulleau disent d’un bouquin que c’est une grosse bouse alors aucun doute, il est digne d’intérêt. Le livre raconte l’histoire d’un obscur politique du PS, et de deux philosophes, qui vont se saisir du thème de la laïcité pour le proposer comme élément fondamental d’analyse de la société française à l’occasion des attentats de Charlie Hebdo. Un moment où certains déclarèrent « l’État d’urgence laïc ». Les derniers jours du Parti socialiste est un roman à clés dont on identifie facilement les personnages. Grémond le politique est Laurent Bouvet le fondateur du Printemps républicain. Les deux philosophes Frayère et Taillefer sont respectivement Michel Onfray et Raphaël Enthoven. D’autres personnages introduits dans le récit ont également été rebaptisés. Philippe Val l’ancien directeur de Charlie Hebdo gagne le pseudo de « Revêche », ce qui est encore bien gentil pour celui qui commença chansonnier anarchiste, et qui dégueule aujourd’hui sa haine de la gauche sur Radio Bolloré. « Crapule » ou « Ordure » auraient été plus à propos. On rencontre aussi Emmanuel Macron dénommé « Le Chanoine », Caroline Fourest et Manuel Valls. Rien que du beau monde. Ils ont en commun d’avoir tous débuté leur parcours d’une façon ou d’une autre à gauche avant de foncer pleins gaz vers la droite ou l’extrême droite.
Ambitieux il l’était, mais Rastignac il ne fut point puisqu’il fit le parcours inverse
L’action des trois ambitieux s’articule autour de la création du « Mouvement du 7 décembre 2015 », dont le nom faisait référence à la loi de 1905 sur la séparation de l’Église et de l’État. Son but était d’organiser une bataille intellectuelle qui finirait par imposer qu’il n’y avait plus ni gauche ni droite. Et de montrer que la vraie question était celle de la présence de l’islam en France. Même si le récit est parfois un peu long, il n’en est pas moins savoureux. Les Trois mousquetaires de la laïcité rivalisent d’ambitions avec des moyens différents. Grémond qui pensait faire carrière dans son parti rata à peu près toutes les opportunités qui s’offraient à lui, si ce n’est celle d’épouser une banquière. Ambitieux il l’était, mais Rastignac il ne fut point puisqu’il fit le parcours inverse, partant de Paris enseigner à Sciences Po Toulouse faute d’avoir décroché un poste rue des Saints-Pères. Heureusement quand dans la foulée de Terra Nova le PS envisagea d’abandonner le vote populaire pour privilégier celui des centres-villes ainsi que les combats sociétaux, Grémond sut qu’il avait trouvé sa voie. Il promouvrait la défense de ceux qui se sentant abandonnés dans les banlieues allaient s’installer plus loin. Manuel Valls serait son héraut. Frayère était celui qui surpassait étudiants et professeurs de philosophie à l’université d’Angers. Et Taillefer le jeune homme qui culbutait les mères de ses jeunes élèves de la Montagne Sainte-Geneviève, celui dont les blessures secrètes étaient de ne jamais avoir eu vingt à une dissertation et d’avoir échoué à Normale Sup. Si Frayère était d’origine modeste, enfant d’un ouvrier agricole et d’une femme de ménage, Taillefer venait d’un milieu favorisé et intellectuel. Ils allaient se disputer l’accès aux médias pour fracasser les partis de gauche en leur préférant le FN/RN après avoir prétendu le combattre. Tout en se mesurant sur les terrains des performances sexuelles histoire de savoir lequel avait le plus beau palmarès.
Quand un historique parti de gouvernement fait moins de 2 % aux élections présidentielles les raisons en sont nécessairement multiples
La thèse d’Aurélien Bellanger est que la chute du Parti socialiste découle de ces errements idéologiques. J’en doute sérieusement même si l’instauration de la déchéance de nationalité proposée par François Hollande comme le désastreux Valls y ont contribué. Mais il y a tellement de choses à reprocher à cette formation politique qui a tant désespéré son ancien électorat que je trouve l’analyse simpliste. Quand un historique parti de gouvernement fait moins de 2 % aux élections présidentielles les raisons en sont nécessairement multiples. Ceux qui ont promu le thème de la laïcité au cœur de la vie publique ont pourtant gagné. L’instrumentalisation de l’antisémitisme qui est aujourd’hui omniprésent en est une nouvelle forme. Et elle a toujours le même but : présenter l’extrême droite comme un tendance politique respectable à qui on pourrait raisonnablement confier le pouvoir.
Qu’en dit Bibliosurf ?
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