Le meilleur roman de la rentrée littéraire ? La question n’a pas grand sens tant ces classements sont subjectifs. Et puis La vie qui reste n’est de toute façon pas un livre qui se cantonne à un moment. C’est un bouquin capable de rester des années dans votre mémoire. Le premier d’une professeure, qui a longtemps écrit sur d’autres supports. Ce roman a connu un grand succès dans son pays avant d’être traduit en quatorze langues. Il nous offre le charme de l’Italie des années cinquante. Mais l’art de vivre des Romains qui fréquentent une épicerie familiale, la qualité des jambons, le plaisir de se faire servir un café, ou le charme désuet de la Fiat 615 le camion de livraison en vogue à cette époque, n’en constituent qu’une petite partie. La vie qui reste c’est d’abord l’histoire d’un couple constitué presque contre la volonté de Marisa et Stelvio qui vont traverser ce qui est peut-être le pire : la perte d’un enfant. Ils seront assommés par la douleur au point de ne même pas tenter de se reconstruire. La vie qui reste est aussi l’histoire d’un viol subi par une jeune fille qui s’enfoncera dans le mutisme au point de s’en détruire, une horreur qui transforme peu à peu le roman en polar. C’est l’histoire de conventions sociales qui s’imposent aux femmes sans jamais s’assouplir avec toujours la même obsession : ne pas salir la réputation de la famille. Le récit devrait être sordide, glauque, insupportable, et ce d’autant plus qu’il se déroule en grande partie dans l’Italie traumatisée par l’attentat de la gare de Bologne au début des années quatre-vingt. Il ne l’est pourtant pas grâce aux multiples personnages introduits par l’autrice. Leo et sa sœur Corallina illuminent la lecture avec leurs capacités à se raccrocher à de maigres espoirs. Cette fratrie a elle aussi traversé des épisodes douloureux, mais ils vont offrir la lumière à ceux qui s’en croyaient exclus. Pas de quoi basculer dans un espoir béat, mais au moins de quoi ne pas renoncer à tout. Marisa et Stelvio sauront se montrer résilients en réinventant de simples gestes de tendresse. Il faut être une très grande romancière pour assembler tous ces éléments.
Ça n’empêcherait pas la ville de cancaner, puisque tout le monde était désormais au courant
La vie avait mal commencé pour Marisa Balestrieri. Son amoureux Francesco Malpighi était parti en Suisse travailler dans un hôtel sur le lac Léman. Il allait ainsi gagner assez pour ouvrir un café dans leur ville, Rome. Or Marisa fut submergée de honte quand en décembre 1955 elle découvrit qu’elle était enceinte. Cela n’avait pourtant rien de surprenant tant ses retrouvailles épisodiques avec Francesco avaient toujours été intenses. Le pire était pourtant à venir car loin de la rassurer, le père de son enfant lui annonça qu’il vivait désormais avec la fille de son patron, ce qui lui ouvrait de savoureuses perspectives professionnelles. La solution c’est Ettore, le père de Marisa qui la trouva. Elle s’appelait Stelvio Ansaldo, du nom du jeune livreur de son épicerie-charcuterie, qui dévorait des yeux Marisa à chacune de ses venues. Ça n’empêcherait pas la ville de cancaner, puisque tout le monde était désormais au courant, mais ça redonnerait un statut à sa fille. Restait quand même à convaincre les deux jeunes gens. Et ce n’est pas Letizia la mère qui s’en sortit le mieux quand elle dit à sa fille que ce serait facile de séduire le livreur puisqu’elle avait désormais de la pratique. Si le mariage fut finalement conclu, la vie de Marisa et Stelvio ne fut pas pour autant un long fleuve tranquille. Leurs rapports fluctuèrent en bien et en mal en fonction des épreuves douloureuses qu’ils subirent.
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