Surbooké

Le blog de Laurent Bisault

La dernière danse de l’ours, Olivier de Robert, Éditions de Borée

Jan 23, 2025

En arrivant sur l’estive de l’Oule, Ferrasse entendit la mort. Elle avait le son des mouches repues qui s’obstinent au festin. Sa brebis était pourtant encore agonisante, c’était la Rousse, celle qu’il avait élevée au biberon. Il tira son couteau, égorgea la bête, puis vomit. Il vit ensuite les autres, éventrées, massacrées, fracassées. Ferrasse avait perdu son troupeau. Il avait déjà vécu cela avec des chiens errants, mais cette fois le meurtrier avait signé son passage de ses traces dans la boue : c’était l’ours. Au Café de la Paix à Sarradeil, pas loin des trois pics, Germain Lapujade menait la révolte. Parce qu’il était maire adoubé par le parti, il n’était pas question de se laisser déborder. Alors il leur annonça que la préfecture allait faire le nécessaire en envoyant quelqu’un : un fonctionnaire de l’Office français de la biodiversité. Il arriva deux mois après et quand il entra dans le café le flingue à la ceinture, les clients n’étaient pas prêts à accepter ce qu’ils virent. L’agent public, le flic de la nature, était une femme. Et quand une voix gueula « Moi si je le vois, je le bute ! », elle répondit « Chiche ! ». Déjà que l’ours était honni, qu’il leur pourrissait la vie, qu’il symbolisait l’action de l’État incapable de répondre à leurs vraies attentes. Alors comme en plus on venait les provoquer, ils savaient tous comment ils allaient répondre. La guerre était déclarée.

Un village imaginaire que l’on situera du côté de Saurat où réside l’auteur

Retour en Ariège dix-huit mois après avoir chroniqué Et vous passerez comme des vents fous de Clara Arnaud. Olivier de Robert nous propose lui aussi une histoire d’ours située dans le pays qui fut longtemps celui de l’animal. On souhaite à ce conteur le même succès que celui de sa presque voisine ariégeoise. Et n’allez pas nous dire qu’ayant lu le premier roman, vous pourriez vous dispenser du second. Car ce serait comme prétendre qu’ayant été une fois en montagne, il ne serait pas utile d’y retourner. Nous voilà donc dans un village imaginaire que l’on situera par facilité du côté de Saurat où réside l’auteur. Soit juste en face de Massat le pays d’adoption de Clara Arnaud. La dernière danse de l’ours bien plus que celle d’un plantigrade, est celle d’une petite communauté masculine qui se meurt. Non pas parce qu’un intrus venu de Slovénie lui croquerait ses brebis. Mais parce que l’école, les commerces, et même les femmes s’en sont allées. Peu importe que le plantigrade accusé de semer la désolation chez les derniers éleveurs, soit aussi celui qui les fait vivre bien plus sûrement que les maquignons. Ce qui compte c’est que les financements publics qui sont liés à l’ours viennent de Paris ou de plus loin encore. Or ici en Ariège on voudrait s’en sortir seul, comme les anciens qui pour survivre allaient jusqu’à New York avec leur ours exorciser la misère. C’est pourquoi cet animal est devenu sur ces terres qui se vident le parfait bouc émissaire. Celui dont on voudrait se débarrasser, pour peu que ceux qui prétendent connaître les montagnes réussissent à le trouver. Et à pactiser avec la vieille de l’Astériale qui le connaît bien mieux qu’eux.

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