Anne a repris la boucherie familiale située en plein cœur de Rouen après le décès de son père. Ça en a fait jaser plus d’un car elle est non seulement jeune mais aussi une fille. Devenue patronne elle s’est promise de mater les connards qui la reluquent, et de transformer le magasin où se fournissent les bourgeoises du quartier. Bientôt ce ne sera plus La Boucherie Lueruchet mais Les Bouchères. N’y travailleront que des femmes avec tout au plus un commis à la caisse. Stacey, qu’Anne a rencontrée dans son centre de formation d’apprentis (CFA), en sera. Comme elles étaient les deux seules filles de la promotion, leurs liens sont forts même si elles ne se sont plus vues depuis quatre ans. Stacey va donc quitter son emploi chez Carrefour pour la rejoindre. Elles vont tout refaire dans la boucherie du père d’Anne, s’installer avec leur billot au milieu du commerce, monter des vitrines comme dans une bijouterie. Devant l’ampleur de la tâche il apparaît qu’une troisième personne est nécessaire. Pas nécessairement une spécialiste de la feuille de boucher, du couteau à trancher, à désosser ou à saigner. Mais une femme prête à se former sur le tas. Elles ne l’avaient pas imaginée noire comme l’est Michèle qui vient de Guinée, et qui a lâché son emploi dans un restaurant pour échapper aux mains baladeuses du patron. Elles l’ont pourtant embauchée, séduites par l’énergie de la jeune femme.
Elles revendiquent le droit de vivre leur sexualité à leur guise
Et si Sophie Demange avait inventé un nouveau genre littéraire pour son premier roman ? Les bouchères sont d’abord un manifeste féministe, mais aussi un roman noir teinté d’humour, voire également un roman culinaire. Nos trois héroïnes ne reculent devant rien pour affirmer qu’elles vivront comme elles le souhaitent. La boucherie est une activité masculine ? Aucun problème, elles s’y imposeront même si rien ne les y prédestinait. Anne n’était pas programmée pour reprendre la boutique familiale qui devait être celle de son frère aîné. Mais comme ce toquard s’était tiré pour ouvrir un restaurant de poissons à Marseille, elle s’y est collée. Stacey n’était jamais entrée dans une boucherie avant le CFA. Son orientation résulte d’une vanne échangée avec son éducatrice, quand elle avait menacé de désosser un mec. Quant à Michèle, en tant que clandestine, elle n’était pas en capacité de choisir sa profession. Elles refusent avant tout les violences qu’on leur a imposées, les viols intrafamilliaux, les fellations arrachées à des gamines contre des clopes. Elles revendiquent le droit de vivre leur sexualité à leur guise, avec ou sans mec. Leur cheminement oscille entre épisodes gores, virées à moto, et la volonté d’emmerder les femmes qui se croient respectables en optant pour des mèches roses sur des cheveux roux. Le tout donne une lecture où on se régale aussi bien des attitudes des trois nanas, que de leurs bouchées à la reine et de leurs viandes amoureusement choisies dans les fermes normandes. Mais qu’on se le dise, n’allez pas les emmerder. Laissez-les vivre comme elles veulent. Fréquenter un journaliste végétarien, se taper un mec plus jeune, choisir une autre femme pour leur vie intime, sinon ce sera une boucherie !
Qu’en dit Bibliosurf ?
https://www.bibliosurf.com/Les-Boucheres.html#recherche
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Salut Laurent,
J’ai lu ce livre, découvert par hasard, et j’ai vraiment adoré même s’il faut reconnaître que ce n’est pas très moral dans le sens où on ne devrait pas se faire justice soi-même (dans la mesure où la justice remplit son rôle). En tant que femme, je comprends très bien leurs réactions !!!
A découvrir en tout cas 🙂
A bientôt et merci pour toutes ces recommandations 🙂
Géraldine
🙏
Ce bouquin est à déguster cru, bleu, saignant et même à point. Faut que ça saigne !