Juin 1986. Une maison brûle, c’est celle des Mondessert. Toute la famille est devant, seule manque Élise la fille aînée. Les pompiers l’ont sortie sur un brancard surmonté d’une couverture de survie et d’un masque à oxygène. Sa mère Béatrice la reine du lotissement hurle. Après l’accident de Mme Bourgeois la maîtresse et la mort du garagiste, cela commence à faire beaucoup. Peu après Claire, on l’appellera ainsi par facilité, déménage dans le département voisin pour la rentrée en CM2. Quarante années après elle est médecin. Claire enterre sa mère qui vivait seule depuis trois ans, son père ayant été une des premières victimes du Covid. Claire vide la maison familiale et retrouve des documents qui la ramènent au lotissement de Mare-les-Champs. Suzanne Bourgeois était arrivée pour remplacer une maîtresse qui attendait des jumeaux. Elle disposait d’un appartement de fonction, et vivait à proximité de toutes les mères de famille qui surveillaient leurs enfants.
C’est à ce prix qu’il part le lendemain amoureux comme au premier jour
Ce roman difficilement classable vous happe par petites touches, en vous ramenant dans la France des années quatre-vingt. Mitterrand est toujours président, Chirac a conquis Matignon, et voilà que Le Pen apparaît sur les écrans de L’Heure de vérité. S’il reste infréquentable pour beaucoup, certains n’hésitent plus à le défendre. À Mare-les-Champs, les habitants regardent les Coco Girls à la télé et écoutent Balavoine et Bronksi Beat. Ils s’inquiètent d’un nouveau danger : des HLM vont sortir de terre en lisière du lotissement. Leurs vies faites, de familles blanches où monsieur travaille et madame élève les enfants, devraient en être bouleversées. Contraints d’accueillir une partie de la misère du monde, ils s’imaginent déjà boucler leurs portes et les équiper d’alarmes. La reine du lieu est la belle Béatrice qui les dirige parce qu’elle coche toutes les cases. Belle, blonde, jamais marquée par ses grossesses, elle est toujours désirée par son mari. Elle s’en donne les moyens en portant une jolie robe et des dessous en dentelle tous les mercredis soirs. C’est à ce prix que monsieur part le lendemain au boulot amoureux comme au premier jour. Mais malheur à ceux qui ne rentrent pas dans ce cadre. Ne serait-ce que parce que leur enfant a des difficultés à l’école. Malheur aussi à la petite « négresse » qui déboule à l’école en présentant de la poésie antillaise. Surtout qu’elle est si court-vêtue qu’elle pourrait bien intéresser les maris. Contrairement à ce que semblent croire ces « bons Français », le danger qui les guette ne vient pas d’ailleurs. Il sévit déjà dans leur tête. Blanches le premier roman de Claire Vesin était déjà très agréable à lire. Le lotissement me semble plus réussi encore. La Manufacture de livres est décidément un excellent éditeur.
Qu’en dit Bibliosurf ?
https://www.bibliosurf.com/?page=q&recherche=le+lotissement
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