Surbooké

Le blog de Laurent Bisault

Requiem pour une révolution, Robert Little, Éditions Baker Street

Avr 9, 2016 #Baker Street

Histoire juive du temps de Staline. Un Juif lit un article dans La Pravda disant que l’Union soviétique ne va pas seulement rattraper l’Amérique, mais la dépasser. Quand nous dépasserons l’Amérique, dit le Juif à sa femme, nous descendrons du véhicule et nous irons vivre là-bas. L’histoire symbolise à sa façon l’échec de la Révolution de 1917 imaginée pour assurer le bonheur du peuple et qui finit dans l’apocalypse. Et en plus de l’absence de libertés, des crimes et de l’échec économique, l’URSS remet au goût du jour une tare ancestrale du peuple russe : l’antisémitisme. À tel point que Staline dénonce un complot de médecins juifs contre sa personne et qu’il se prépare à déporter en masse les Israélites au Birobidjan. Grand spécialiste de la Russie, même quand il écrit ses romans d’espionnage sur la CIA, Robert Little nous narre 40 ans d’histoire de la révolution de 1917 à la mort de Staline. Défilent dans son roman Lénine, Trotsky, Boukharine, Molotov, Zinoviev, Kamenev, tous des Bolcheviks rentrés dans l’histoire avant de céder la place à Staline. Puis Khrouchtchrev et Béria. Mais surtout des personnages sortis de son imagination dont le principal est Alexander Til. Zander est un Juif né en Russie et parti très jeune avec son père et ses frères en Amérique pour échapper aux pogroms. Il y découvre l’exploitation des ouvriers et perd sa famille dans l’incendie de leur atelier. Pourchassé par la police fédérale pour faits de syndicalisme, il repart en Russie dans les valises de Trotsky afin de participer à la révolution imminente. Son ami le russo-irlandais Atticus Tuohy l’accompagne. Ils assistent à la prise du pouvoir des Bolcheviks, prennent part à la guerre civile contre les Blancs avant que leurs destins ne divergent. Difficile en effet pour Zander de ne pas être marqué par l’élimination de son amante Lili comme ennemie de la Révolution. S’il reste fidèle à son idéal initial, il ne peut que constater que tout le monde tremble à Moscou quand on sonne à la porte au petit matin. Puisqu’il ne peut s’agir du laitier. Atticus au contraire monte en grade dans la police politique, traquant notamment les espions de l’Amérique lors de la construction du métro de Moscou. Comprenez les ouvriers qui refusent de mourir sous terre pour atteindre l’objectif qui leur a été fixé. On trouvera aussi dans le roman une face cachée du métier de statisticien. Quand il s’avère qu’il manque 16,7 millions d’habitants dans le recensement par rapport aux chiffres attendus par Staline. Parce qu’on savait parfaitement où ils étaient passés.

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