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Le blog de Laurent Bisault

Madame Bovary, Gustave Flaubert, Livre de poche

Mai 4, 2020 #Livre de poche

Dans la famille jesuisconfinédoncjerelismesclassiques, je demande Flaubert. L’immense Flaubert, celui que l’histoire a adoubé comme un des plus grands écrivains français. Et là on n’a pas trop l’embarras du choix. Gustave n’a jamais été prolixe. Flaubert ce n’est ni Balzac qui pissait de la copie pour gagner de l’argent ni Zola. Flaubert c’était un appliqué qui mettait des années à écrire et réécrire ses bouquins. Ses manuscrits raturés en témoignent. Parmi les plus connus, Madame Bovary (1857), Salammbô (1862), L’Éducation sentimentale (1869), et Bouvard et Pécuchet (1881). On opte pour Madame Bovary, lu il y a tellement longtemps qu’on va quasiment le découvrir. Et surtout un roman abonné des listes de bouquins à lire au moins une fois dans sa vie qui fleurissent sur la Toile. Une fois posé le décor, une fois admis que tout ce qu’a écrit ce géant des lettres françaises est historique, on se lance. Madame Bovary ce n’est quand même pas passionnant. Disons pas passionnant aujourd’hui. Déjà l’histoire, celle d’Emma fille d’un paysan normand aisé, qui s’emmerde à cent sous de l’heure. Jeune, elle rêvait d’amours poétiques, elle se voyait comme Paul et Virginie. Ce fut le couvent, forcément ça calme. Heureusement, après avoir désespéré les religieuses, son père l’en sort et la ramène à la ferme. Sa femme vient de mourir, Emma pourra toujours servir. Elle se marie avec Charles Bovary, médecin de campagne pas beaucoup plus âgé qu’elle et particulièrement falot. Emma s’emmerde toujours autant. Elle ne prend aucun plaisir à élever sa fille Berthe qu’elle colle chez une nourrice. On ne juge pas, c’était la norme à l’époque. Emma meuble sa vie en dépensant le petit patrimoine de son époux : des meubles, des vêtements, de la déco, à croire qu’elle ne manquait pas de place pour ranger ses achats. Une vraie gamine. Emma finit par céder à Rodolphe, bellâtre qui ne tarde pas à l’abandonner, puis à Léon jeune clerc de notaire. L’histoire finit mal pour des raisons d’argent, Emma Bovary ayant bien plus à craindre de ses créanciers que de son mari qui l’aime toujours autant. L’amour rend aveugle. Le roman nous apporte beaucoup d’éléments sur la vie de la petite bourgeoisie normande au XIXe siècle et plus encore sur la morale de l’époque, car Emma est le symbole de la femme adultère. Flaubert a d’ailleurs été traîné en justice pour cela, mais il fut acquitté.

Pourquoi donc est-il si difficile de se passionner pour ce livre ?

Pourquoi donc est-il si difficile de se passionner pour ce livre ? Sans doute parce qu’on s’attache peu aux personnages. Un peu à Emma mais pas tant que cela et presque pas à ceux qui l’entourent. D’ailleurs Flaubert aimait-il ses personnages ? Assurément pas Charles qui est présenté comme un benêt dès la première scène du roman, quand il entre dans l’étude de ce qui serait probablement aujourd’hui un collège. Après s’être laissé vivre, ce qui est plutôt sympathique, il finit par obtenir son diplôme de médecin. Installé, Charles ne ménage pas sa peine, mais ne brille pas par ses initiatives. Sa seule tentative pour sortir de son état de modeste médecin l’amène, poussé par son entourage, à opérer un valet de ferme doté d’un pied-bot. Il se fait pour cela construire une boîte de huit livres par un menuisier et un serrurier. L’opération est digne de la question moyenâgeuse et le valet de ferme, après des souffrances atroces, est sauvé de la gangrène par l’amputation de sa jambe. Homais, le pharmacien qui a poussé Charles Bovary à opérer ne vaut pas mieux. Il passe son temps à se faire valoir et se présente comme spécialiste de « pomologie » parce qu’il a rédigé un fascicule sur la fabrication du cidre. Reste le style de l’ouvrage, qui a fait la renommée de Flaubert. La raison pour laquelle il a mis cinq ans à rédiger son livre. Flaubert s’enorgueillissait de ne jamais utiliser deux gérondifs dans la même phrase. Il aurait été vexé que figurât « un bouquet de fleurs d’oranger » dans Madame Bovary. Reconnaissons que ça ne saute pas aux yeux et que cela ne choque pas non plus. Reconnaissons aussi que le livre se lit facilement même si on a peu d’empathie pour ses personnages. On a quand même le droit de préférer Bel-Ami de Maupassant dans la famille des classiques normands. Un roman tellement contemporain que quatre lectures n’en ont pas épuisé l’intérêt. Non seulement l’ambition ainsi que les compromissions de la presse avec le pouvoir sont des thèmes aussi éternels que l’amour, mais les personnages de Maupassant sont surtout plus élaborés. Madeleine Forestier est dans ce roman une femme qui s’autorise un amant et celle qui dirige en sous-main le journal de son mari. On retentera peut-être notre chance avec l’Éducation sentimentale. Dans notre mémoire collective c’est un grand livre.

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