Surbooké

Le blog de Laurent Bisault

L’Aile des vierges, Laurence Peyrin, Calmann-Levy

Jan 4, 2020 #Calmann-Lévy

Faut-il vivre en accord avec ses principes, au risque de se gâcher l’existence ? Difficile question à laquelle est confrontée Maggie Fuller tout au long du roman de Laurence Peyrin. Et des principes, Maggie n’en manque pas en tant que fille et petite-fille de femmes féministes, ce qui ne constitue en rien un pléonasme, surtout à la sortie de la Seconde guerre mondiale en Angleterre. « Si la vie avait obéi à une logique, Maggie Fuller aurait été médecin à Folkestone » nous dit Laurence Peyrin. Une ascension toute prévisible puisque sa grand-mère avait été infirmière et sa mère sage-femme. Avec dans chaque cas un intense activisme au profit des femmes, ce qui poussa sa grand-mère à refuser de payer une amende et à aller en prison pour avoir perturbé une réunion du parti libéral avec ses amies suffragettes. Et sa mère à renoncer à utiliser le patronyme de son époux. Mais la vie de Maggie est plus complexe, Pour aider son mari tombé d’un toit, elle travaille dans une conserverie de poisson ce qui ne lui vaut aucune reconnaissance. Bien au contraire, Will lui fait payer son handicap au prix de nombreux sévices. À sa mort Maggie abandonne l’usine pour se faire embaucher comme femme de chambre dans le domaine de Sheperd House, le manoir le plus majestueux du Kent après le château de Leeds. Bienvenue chez les Lyon-Thorpe, Lady Philippa en tête, que son époux John appelle Pippa-ma-chère. L’aristocratie anglaise a peut-être l’avenir dans son dos, mais elle a encore de beaux restes dont elle espère jouir le plus longtemps possible. Maggie n’est ainsi qu’une des nombreuses employées qui font tourner le domaine. Surtout des femmes, même si Colin est là pour faire disparaître chaque matin de son fer les faux plis du journal de John Lyon-Thorpe. Colin est marié avec Annie, ce qui leur vaut un statut particulier. Les autres femmes sont vouées à occuper des chambres sous les toits, parfois sans fenêtre, où elles vivent leur célibat. D’où le titre du roman : L’Aile des vierges. Avant le début du service, ça cancane dur dans la cuisine. Sur Bertha Stanfield dite la grosse Bertha, une sorte de contremaître des gens de maison, voire sur John qui trousserait à ses heures la valetaille. Parce qu’elle a encore quelques certitudes, Maggie défend les employées en leur expliquant que, toute noble qu’elle est, Pippa-ma-chère n’a pas tous les droits. En tout cas pas celui de faire couper les cheveux de ses domestiques parce que tel est son bon plaisir. Mais que faire quand elle se retrouve dans les bras de John qui lui ouvre les chemins du plaisir comme nul avant lui. Faut-il renoncer à ces moments par conviction ? Faut-il croire John quand il lui déclare sa flamme ? Cela nous vaut de très belles pages où Maggie s’accorde du bon temps en renonçant à certains de ses principes. Les meilleurs moments n’ayant qu’un temps, l’histoire se poursuit avec des évènements pas toujours agréables, qui ne nous font que davantage apprécier les personnages. Mourir pour des idées d’accord mais de mort lente…

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