Surbooké

Le blog de Laurent Bisault

Le cœur blanc, Catherine Poulain, Éditions de l’Olivier

Fév 2, 2020 #L'Olivier

Ils cueillent les abricots, ramassent les asperges, récoltent la lavande et les olives, travaillent dans les vignes. On les retrouve chaque année dans ces villages perdus de Haute-Provence où ils tentent de gagner trois francs six sous auprès de paysans qui sont à peine plus riches qu’eux. Une somme que la plupart s’empresseront de dépenser en s’arsouillant au café, voire en consommant des produits pas vraiment autorisés. Ces saisonniers et autres routards sont bien loin des quelques Marocains employés au black, venus en France parce qu’on ne vit pas au Maroc, ou si mal de sa force de travail. Ceux là travaillent comme des brutes et doivent en plus endurer le racisme des employeurs. Les autres, les Français ou au moins les Européens, constituent un petit monde interlope, utile aux locaux quelques mois de l’année pour aider les agriculteurs. Un petit monde fait de marginaux qui se complaisent à s’autodétruire. Tel est le cadre du second roman de Catherine Poulain après Le Grand Marin. Le cadre, mais pas le centre du roman, dont les deux personnages principaux sont deux femmes, Rosalinde la routarde allemande et Mounia la Kabyle. Physiquement différentes, Rosalinde la maigre aux seins à peine formés, Mounia à la poitrine généreuse. Mais proches parce qu’elles ont besoin de s’épauler pour survivre dans ce monde de brutes. Surtout Rosa, qui de son vieux Combi VW tout rouillé, clame à qui veut l’entendre qu’elle ne sera la femme de personne. Rosa qui ne constitue, pour les crapules avinées qui l’entourent, qu’un trou qu’ils aimeraient bien tirer. Pour Mounia, plus souvent en couple, c’est différent même si son amoureux d’un jour pourrait bien être porteur du sida. Catherine Poulain a beau expliquer que Rosalinde, ce n’est pas elle, on ne la croit pas complètement. Pas seulement parce que les poches sous ses yeux attestent d’une vie bien remplie. Mais parce qu’elle a elle-même beaucoup bourlingué, dix ans à pêcher en Alaska ce qui nous valut Le Grand Marin. Puis une installation entre la Haute-Provence et le Médoc. Nous en bénéficions aujourd’hui avec ces deux magnifiques portraits de femmes qui se rêvent libres. Mais à quel prix !

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *